Interview exclusif - Partie 1 - Arnaud Mattern : "Je jouais des Sit and Go de 200$ et de 500$ sur huit tables..."
Paris, 15 heures, dans un pub des bords de Seine. Tel ��tait le rendez vous que m'a fix�� Arnaud Mattern quelques jours apr��s son succ��s lors de l'EPT de Prague, vendredi 14 d��cembre 2007.
A ma montre, 15h05, je viens d'arriver �� l'endroit du rendez-vous, non loin de la place Saint Michel. Je d��cide de l'appeler pour avoir des nouvelles�� Il me r��pond : ? Je suis en taxi, j'arrive dans 5 minutes�� D'ailleurs, je vais passer �� la boulangerie, tu veux quelque chose ??.
Cinq minutes plus tard, je le vois �� la porte du pub, v��tu d'un jean d��contract��, chemise noire, veste en cuir et portable greff��e �� son oreille. Je lui fais signe derri��re la vitre et il raccroche instantan��ment. Il quitte alors le froid hivernal de Paris pour p��n��trer dans la chaleur de ce pub canadien o�� nous ��tions les seuls et uniques clients. Mais la chaleur de l'endroit associ��e �� celle de l'accueil r��serv�� par la serveuse, Karine, ne nous n'emp��che de nous sentir comme �� la maison.
De l��, on s'installe �� une table coll��e �� la vitre qui donne sur le Quai des Grands Augustins. Et, alors qu'on prend le temps de discuter de nos diff��rents voyages et de nos diff��rentes parties de poker, une ambiance sympathique s'installe. C'est dans cette ambiance que j'ai rencontr�� Arnaud Mattern, champion de France de backgammon 2007, qui s'est par la suite essay�� au poker avec le succ��s qu'on connait.
Connu dans le milieu du backgammon, Arnaud l'est beaucoup moins dans le milieu du poker. Cette interview vous permettra d'en apprendre un peu plus sur le joueur de poker tr��s sympathique qui se cache derri��re ses lunettes noires. Chocolat chaud pour Arnaud, dictaphone et stylo pour moi, l'interview peut commencer��
Julien Roman : Pour les gens qui ne te connaissent pas encore, pr��sente-nous un peu ton pass��, ton parcours��
Arnaud Mattern : J'ai me suis tout d'abord int��ress�� �� pas mal de jeux en g��n��ral, des jeux de semi-hasard, o�� il y a une grande partie de r��flexion et une part de chance dont le backgammon. J'ai ��t�� form�� par St��phane Kronis, il est situ�� juste �� c?t�� de nous, juste l�� bas en face (NDLR : il montre un bouquiniste situ�� le long des quais de la Seine), il est sp��cialis�� dans les jeux. Il vend des livres sur le backgammon (entre autres), il m'a form�� �� ce jeu. Par la suite, j'ai commenc�� �� rentrer dans le milieu du backgammon avec des tournois hebdomadaires sur Paris et puis j'ai d��cid�� d'avoir une approche un petit peu plus s��rieuse, et j'ai donc commenc�� �� jouer les grands tournois internationaux en compagnie de Fran?ois Tardieu, qui est tr��s probablement le plus grand joueur de backgammon au monde. Cela a ��t�� une exp��rience tr��s enrichissante puisqu'il m'a ? pris sous son aile ?, et on a fait tous les tournois internationaux de backgammon ensemble. Donc, on partageait les h?tels, l'avion, les voyages, les exp��riences, c'��tait tr��s sympa. J'ai ensuite fait quelques performances dans le milieu, dont le titre de champion de France. J'ai fait ��galement une place en finale de consolation des championnats du monde �� Monaco et j'ai gagn�� les championnats d'Europe en double consultation (par ��quipe) avec Yomi Peretz. Et donc, j'ai jou�� �� partir de 2002, pendant deux ans, sur le circuit et j'ai d��couvert le poker fin 2004.
JR : Donc apr��s le boom du poker��
AM : Voil��, le poker ayant explos��, je pense que si j'avais commenc�� avant, je serais bien plus riche que ce que je ne suis aujourd'hui, mais je ne vais pas me plaindre (rires). Donc, j'ai pris le truc en cours de route et ensuite j'ai jou�� �� pas mal de variantes diff��rentes. J'ai jou�� du Limit, du No Limit, des tournois �� petits buy-in et �� moyens buy-in.
JR : Tu as commenc�� sur du online ?
AM : Voil��, j'ai fait un peu de live et beaucoup de online. J'ai fait quelques petits r��sultats mais j'��tais malchanceux en g��n��ral en table finale, donc ?a ne m' a pas permis de faire l'��cart, mais de monter graduellement. Suite �� cela, j'ai commenc�� tr��s s��rieusement �� m'int��resser aux Sit & Go et j'ai commenc�� par des toutes petites limites, des Sit & Go �� 20$ sur 4 tables �� la fois, de fa?on tr��s r��guli��re.
JR : Tu en faisais combien �� peu pr��s par jour ?
AM : Disons une trentaine ou une quarantaine par jour, des fois une cinquantaine et j'ai augment�� les limites quasiment chaque mois, en passant de 20$ �� 30$, puis 55$, 77$ et 100 dollars. Je jouais huit tableaux �� la fois, sur deux ��crans pour maximiser mon retour sur investissement. A la fin, au bout de 5 ou 6 mois de Sit & Go, je jouais les 200$ et les 500$ sur huit tables. Je me suis aper?u que je plafonnais au niveau de mon gain par heure, et je faisais tout de m��me plus de 1000 Sit & Go par mois, donc je me suis dit : comment faire pour gagner plus ? Et l��, je me suis mis au cash game. Donc j'ai commenc�� �� jouer au cash game 1$/2$, puis 2/4$.
JR : Donc, tu es pass�� tout de suite au cash game en arr��tant compl��tement le Sit & Go��
AM : Oui, c'��tait apr��s 7 mois intensif de Sit & Go. Les sit & Go m'ont permis de construire un bankroll assez confortable pour pouvoir me permettre d'appr��hender le cash game. Donc, ?a s'est pass�� de la m��me mani��re en cash game (short handed), o�� j'ai commenc�� �� augmenter de limites tous les mois. J'ai commenc�� �� 1$/2$ et 2$/4$ le premier mois, apr��s je suis pass�� en 3$/6$ et je gagnais pas mal. Le mois d'apr��s, je jouais en 5$/10$, apr��s je suis pass�� directement �� 10$/20$. L��, je suis rest�� un peu plus longtemps parce qu'il y avait un ��cart, car c'est tout de m��me des caves �� 2000$ ! Et puis, le niveau des joueurs ��tait tr��s costaud, donc c'est important d'analyser, de prendre pas mal de recul sur son jeu.
Je suis rest�� 3 ou 4 mois �� 10$/20$ et ensuite je suis pass�� �� 25$/50$, et l�� ?a ne s'est pas super bien pass��. J'ai pris une grosse p��riode de ? bad run ?, et je pense que j'ai pas eu beaucoup de chance, je ne jouais pas aussi bien, et je pense que des joueurs me dominaient clairement. Ces joueurs faisaient de meilleurs coups, ils arrivaient mieux �� me lire, et ils tiltaient moins. A cette p��riode l��, j'ai perdu 120.000$ en un mois et l�� je me suis dit que ce serait une bonne id��e de redescendre de limite, de passer �� 10$/20$. J'ai refait mes gammes, j'ai commenc�� �� jouer plus de tournois internationaux �� gros buy-in. Ce qui m'a ��norm��ment aid��, c'est ma rencontre avec Nicolas Levi, qui est mon acolyte, avec qui je partage mon blog��
JR : Racontes-moi un peu cette rencontre importante��
AM : Quand je l'ai rencontr�� je jouais d��j�� au backgammon et au poker. Lui ne jouait encore �� rien et il m'a demand�� de lui apprendre �� jouer au backgammon. Je lui ai appris �� jouer et au bout d'un mois il ne comprenait rien, c'��tait une horreur. Il ne comprenait pas dans quel sens ?a tournait, il ne comprenait pas la force des positions, et il m'a ensuite dit : ? Bon ��coutes, laisse tomber le backgammon, apprends moi �� jouer au poker ?. Donc, je lui ai donn�� une dizaine de bouquins et je lui ai donn�� quelques conseils. Il a commenc�� �� jouer au poker et en 2-3 mois, il est devenu aussi fort que moi. Il a d'ailleurs d��pos�� 10 � sur un compte et il n'a jamais re-d��pos�� par la suite. De ma vie entiere, je n' ai jamais vu quelqu' un progresser aussi vite.
Apr��s 3-4 mois de jeu, il s'est forg�� un bankroll, il se rapprochait des limites o�� je jouais d��j��. On a beaucoup jou�� les Sit & Go ensemble, donc quand on jouait les Sit & Go �� 100$ �� 200$, on se partageait un peu les tables. On jouait huit tables chacun, mais on ne jouait pas les m��mes tables. En fait, on a jou�� beaucoup en bin?me, c'est-��-dire qu'on a beaucoup r��fl��chi ensemble, on a progress�� exactement dans les m��mes p��riodes, on a mont�� les limites ensemble.
A chaque fois qu'il y en avait un qui avait des probl��mes ou qui ? runnait bad ? ou qui faisait des erreurs, l'autre ��tait l�� pour le soutenir et ��galement pour faire des ? contre-expertises? de son jeu. C'est-��-dire, en disant ? l��, tu joues un peu trop serr�� ? ou ? trop loose ? ou ? l��, t'as rat�� ?a ? etc. A chaque fois, il y avait l'autre qui ��tait l�� pour recadrer son partenaire et je trouve que c'est vraiment une aubaine. Moi, j'ai beaucoup appris, lui a beaucoup appris aussi, et ?a nous a sorti de beaucoup de coups durs, de situations o�� on aurait pu tout perdre. Au-del�� de l'amiti�� profonde qui nous lie, je pense qu'on n'en serait pas l�� aujourd'hui si on n'avait pas travaill�� �� deux. Il y avait ��galement un partage d'information qui ��tait important, c'est �� dire que, quand je trouvais des informations ? underground ? ou des choses qui sont pas tr��s connues ou des principes int��ressants qui sont pas tr��s d��voil��s, je les partageais avec lui, il en faisait de m��me aussi.
JR : C'��tait en quelque sorte ton associ����
AM : Il l'est toujours aujourd'hui: dans les tournois nous sommes associ��s, donc sur tous les r��sultats, on partage les gains et les pertes, ?a r��duit ��norm��ment la variance. Puisqu'�� deux, il y en a toujours un qui va faire des r��sultats. Quelques mois ensuite, j'ai sign�� avec la Team Winamax avec laquelle je joue les tournois internationaux.
JR : Pour en revenir �� cette victoire lors de l'EPT de Prague, quels sont tes premi��res r��actions, avec ce recul de quelques jours ?
AM : C'est assez ��tonnant parce que pendant 2-3 heures apr��s le heads up, je suis rest�� assez concentr��. Je n'ai pas r��ussi �� exulter compl��tement parce que le heads up a ��t�� tr��s difficile. Ce que je veux dire, c'est que le heads up a dur�� tellement longtemps et que j'��tais tellement derri��re��
JR : Parles moi de ce heads up justement��
AM : Donc, au d��but j'avais 1,4 million et lui 4 millions en chips. Mais je pense que le joueur (NDLR : Gino Alacqua) ��tait un peu plus faible et qu'il faisait des erreurs. Il ��tait plus pr��visible, assez ? tight ?, pas tr��s agressif. Et je pense qu'au niveau des montants, il ne faisait pas les bonnes mises pour optimiser ses r��sultats. Il a touch�� ��norm��ment de jeu pendant les 45-50 minutes du heads up. Donc, moi, j'avais 1,4 millions au d��but de son rush et j'avais ...1,4 millions apr��s son rush.Donc, j'ai vol�� beaucoup de petits pots, j'ai pas mal fait de ? value bet fins ?��
JR : Explique-nous justement cette notion importante du poker��
AM : Le ? Value Bet ?, c'est une mise que tu fais quand tu sais que ton adversaire a moins bien que toi et qu'il va te payer avec une main inf��rieure. C'est une mise qui a pour but de se faire payer, puisque je me vois sup��rieur �� lui. Le bluff, au contraire, c'est quand tu essayes de faire folder une meilleure main. J'ai fait des value bet assez fins contre ce joueur. Et ce heads up m'a demand�� tellement de concentration que pendant les 2-3 heures qui ont suivi la victoire, j'ai eu du mal �� sortir de la partie. C'est comme dans un match de tennis, tu restes dedans pendant une bonne heure. Et l��, deux heures apr��s, on a commenc�� �� r��server la bo?te �� Prague, �� faire la f��te avec une vingtaine de joueurs de poker, j'ai ��galement invit�� tous les croupiers et les croupi��res du tournoi, les floors, les amis de la presse��
JR : Et l�� t'as tout perdu��
AM : (rires...) Voil���� En plus, �� Prague, ce qui est sympa, c'est que ?a co?te quasiment rien. Donc, on s'est r��gal��. Et puis je trouve que le staff de Thomas Kremser, le directeur des tournois de l'EPT, vaut vraiment la peine d'��tre soutenu parce que, non seulement la structure du tournoi est tr��s bonne, mais les croupiers sont aussi efficaces, rapides, ce qui nous permet de jouer ��norm��ment de mains. Ca valait le coup de faire une f��te avec eux pour les remercier�� et durant cette f��te, j'ai vraiment eu le temps d'appr��cier ce qu'il s'��tait pass��.
Retrouvez d��s demain sur PokerNews, la deuxi��me partie de l'interview d'Arnaud Mattern.
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