Peinture : 'Dogs playing Poker', ic?ne de la culture pop
"Dogs playing poker"? Bien s?r que vous les connaissez, ces bouledogues, mastiffs, St. Bernard et autres collies rassembl��s autour d'une table et occup��s �� jouer au poker en fumant la pipe et le cigare, en buvant de la bi��re et du whisky. Certains d'entre vous en ont peut-��tre m��me une reproduction chez eux, punais��e quelque part sur un mur. Il faut dire qu'elles refl��tent tellement bien les machinations des joueurs de poker et leur ardeur �� s'emparer des jetons adverses, facilement comparable �� celle d'un chien occup�� �� pister son os.
Cette s��rie de tableaux, dont le premier a ��t�� peint il y a plus d'un si��cle, fait partie des ic?nes de la culture populaire am��ricaine. Pour certains, cette s��rie repr��sente le summum du kitsch et de la ??culture de gare??. Pour d'autres, ils sont des symboles puissants de la ??midlle class?? am��ricaine. Quoi qu'il en soit, cette s��rie humoristique est sans doute l'une des oeuvres li��es au poker les plus connues du grand public.
Cassius Marcellus Coolidge, sa vie, son oeuvre
N�� en 1844 dans l'Etat de New York, Cassius Marcellus Coolidge a d��j�� presque 60 ans lorsqu'il d��marre la s��rie qui le rendra c��l��bre, ayant d��j�� v��cu plusieurs vies en une. Il a ��t�� successivement directeur d'��cole, fonctionnaire municipal et petit entrepreneur. Il a ��galement travaill�� dans le secteur bancaire, c'est d'ailleurs lui qui ouvrira la premi��re banque d'Antwerp, dans l'��tat de New york. Coolidge a enfin une certaine exp��rience dans le journalisme puisque ses premiers dessins sont publi��s dans des articles sign��s de son nom. Il a m��me commis dans les ann��es 1880 un op��ra comique, traitant d'une invasion de moustiques �� New York, et intitul�� King Gallinipper, qui sera jou�� �� plusieurs reprises.
Surnomm�� "Cash", Coolidge a la fibre entreprenariale et n'est jamais �� court d'id��es qui rapportent de l'argent. D'ailleurs, la meilleure d'entre elles fait encore aujourd'hui le bonheur des petits et des grands en vacances : ce sont les portraits comiques en pied, dont la t��te est d��coup��e pour laisser les touristes venir y glisser la leur et se faire ainsi prendre en photo. Eh oui, l'homme qui a peint les fameux chiens jouant au poker est ��galement celui responsable de vos photos de vacances "Superman avec ma t��te �� la place??
La gen��se de ??dogs playing poker??
En 1903, Brown & Bigelow, une agence de publicit�� de St. Paul, dans le Minnesota, embauche Coolidge. Il est charg�� de r��aliser une s��rie de peintures �� l'huile pour illustrer des calendriers ��dit��s par une marque de cigares. Ces peintures r��pondent donc �� la base �� une demande commerciale et pas �� une simple pulsion cr��atrice. Bien que nouvelle sur le march�� �� l'��poque, Brown & Bigelow publiera certains des calendriers les plus populaires des ann��es 20, depuis les calendriers ??boy-scout?? de Norman Rockwell jusqu'�� ceux figurant les fameuses ??pin-ups?? de Gil Elvgren.
En fait, Coolidge peignait des chiens depuis les ann��es 1870 et certaines de ses oeuvres figuraient d'ailleurs d��j�� sur des boites �� cigares. On y trouvait notamment des cabots dans des poses tr��s humaines, pile ce que la soci��t�� recherchait pour ses calendriers. Au final, Coolidge produira 16 peintures diff��rentes pour Brown & Bigelow. Les calendriers rencontrent un succ��s imm��diat et Coolidge peut m��me se payer le luxe de revendre les originaux pour des sommes variant entre 2.000$ 10.000$, ce qui est ��norme pour l'��poque.
Des chiens qui fument, boivent, bluffent et trichent
Toutes les peintures de la s��rie ne repr��sentent pas des chiens jouant au poker. Sept mettent en sc��ne des chiens mimant d'autres activit��s humaines, comme assister �� un match de baseball, participer �� un proc��s, jouer au billard, s'acharner sur une vielle Ford T ou c��l��brer le Nouvel An. Mais les neuf autres impliquent bien le poker, d'une mani��re ou d'une autre.
Aucune de ces huiles n'a ��t�� appel��e "Dogs Playing Poker," bien que ce soit le nom que l'on attribue fr��quemment �� la plus populaire d'entre elles, "A Friend in Need". Cette toile figure sept chiens attabl��s qui boivent, fument, ��tudient intens��ment leurs cartes et ��pient leurs adversaires. La sc��ne est fortement ��clair��e par une lampe rouge qui tr?ne au-dessus de leurs t��tes. La partie n'est pas tr��s loyale puisqu'il se passe de dr?les de choses sous la table : le bouledogue gris du premier plan qui machouille son cigare est en train de passer discr��tement l'As de tr��fle �� son voisin de gauche, qui poss��de d��j�� les trois autres. Plus petits chiens �� la table, on dirait que ces deux-l�� jouent en collusion pour venir �� bout de leurs gros adversaires.
"A Friend in Need", de Cassius M. Coolidge
Deux des tableaux, "A Bold Bluff" et "Waterloo", nous racontent une histoire en plusieurs s��quences, �� la mani��re du grand peintre du 18��me si��cle William Hogarth. Dans le premier, un St. Bernard appara?t au premier plan �� gauche, devant une montagne de jetons qu'il vient apparemment de pousser au centre du tapis. Les autres chiens le regardent attentivement mais il ne laisse rien transpirer, bien cach�� derri��re les lunettes pos��es sur son museau. Dans le second tableau, sa main �C une modeste paire de Deux �C vient d'��tre r��v��l��e aux autres. Le St. Bernard sourit en voyant tous les jetons que son audace lui a rapport�� tandis que les autres chiens affichent diff��rentes expressions, allant de la surprise au m��contentement. Ils viennent de se faire m��chamment bluffer.
Dans plusieurs huiles, Coolidge d��place la traditionnelle partie de poker dans d'autres endroits. "His Station and Four Aces" montre une partie dans un train, les chiens grim��s en voyageurs. Le conducteur vient interrompre l'un des joueurs pour l'avertir que le train est arriv�� �� destination. Mauvais timing! Il a quatre As!
Une autre oeuvre, "Stranger in Camp", met en sc��ne les chiens dans un campement et en plein conflit. Les jetons et les cartes ont vol�� dans tous les sens et deux des joueurs se font face dans une attitude de combat.
"Pinched with Four Aces" nous ram��ne �� une partie priv��e �� domicile, interrompue cette fois par des chiens en uniformes de policier.
"Poker Symy" montre un pauvre boxer retombant sur sa chaise, sa bi��re renvers��e et ses quatre As abandonn��s sur la table. En face, son adversaire vient de retourner une quinte flush.
"Post Mortem" montre un jeu de cartes empil�� sur une table autour de laquelle trois chiens sont toujours install��s, occup��s �� boire de la bi��re, �� fumer le cigare et �� discuter de la partie qui vient de s'achever.
Enfin, "Sitting Up with a Sick Friend" est la seule des neuf peintures �� figurer des chiennes, reconnaissables �� leurs v��tements. Les chiens ont apparemment menti �� leurs femmes sur la vraie nature de leur r��union vesp��rale. L'une des chiennes l��ve son parapluie comme si elle voulait en frapper l'un des joueurs tandis qu'au premier plan une carte �� jouer accusatrice tombe de la table.
???Dogs playing poker??, une charge contre les classes moyennes?
Mis �� part le dernier tableau mentionn�� et �� l'image des autres illustrations parues dans les calendriers promotionnels de Brown & Bigelow's, les sc��nes ��voqu��es par Coolidge dans sa s��rie "Dogs Playing Poker" ne mettent en sc��ne que des males. Et vu la nature typiquement masculine des activit��s repr��sent��es (jouer au poker, r��parer des voitures et, bien s?r, fumer des cigares), il est assez logique que Coolidge ait choisi des chiens pour parodier les hommes.
Dans un article du New York Times de 2002, la fille de Coolidge, Gertrude Marcella Coolidge, ag��e �� l'��poque de 92 ans, confie qu'elle et sa m��re pr��f��raient les chats et se demande �� quoi auraient ressembl�� ces peintures si leur p��re avait choisi une direction diff��rente. "Mais un chat qui joue au poker" conclue-t-elle, "?a marche beaucoup moins bien."
Le but de Coolidge ��tait-il de pointer du doigt nos comportements en les ramenant �� ceux des animaux? Ou sa cible englobait-elle l'ensemble de la ??middle class?? et ses valeurs? Dans leur livre Poplorica: A Popular History of the Fads, Mavericks, Inventions, and Lore that Shaped Modern America paru en 2004, Martin J. Smith et Patrick J. Kiger avancent l'id��e que Coolidge avait con?u sa s��rie comme une sorte de satire. Ils remarquent que "A Friend in Need" fait ��trangement ��cho �� la peinture du 17��me si��cle de Georges de la Tour Le tricheur �� l'As de carreau, qui ��tait elle-m��me une charge sans ambigu?t�� contre la "turpitude morale des classes sup��rieures".
Cela veut-il dire que Coolidge a utilis�� un m��dia commercial pour prononcer un jugement similaire �� l'encontre des classes moyennes en Am��rique? Si c'est la cas, force est de constater qu'elles ne lui en ont pas tenu rigueur. Au fil des ans, ces tableaux ont ��t�� reproduits sous tous les formats imaginables : des posters, des figurines, des trousses �� couture, des montres, des dessous-de-plat, des jeux de cartes bien entendu, et que sais-je encore... C'est simple, on les croise partout : �� la t��l��vision, dans des paroles de chanson et m��me �� l'affiche de jeux vid��o.
Au cours d'une vente aux ench��res en 2005, un collectionneur priv�� de New York City a achet�� les originaux de "A Bold Bluff" et de "Waterloo" pour 590.400$. Le commissaire-priseur a cit�� le boom du poker comme ��tant une cause directe de la flamb��e des cours de ces deux tableaux.
Plus d'un demi-million de dollars. Pas mal pour une simple paire.
Ndlr : Merci �� Lassolette, pour nous avoir d��nich�� les images suivantes sur le forum :
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