Les 'railbirds', vus par Dr Pauly
Jet��s au milieu de la crise ��conomique, en manque d'argent, les gens trouvent des moyens cr��atifs et bon march�� de s'amuser. Devenir spectateur de poker en ligne est une de ces activit��s. Tr��s peu co?teuse. En fait, elle est m��me gratuite. A une certaine ��poque, assister aux parties de poker en ligne ��tait consid��r�� comme un loisir de voyeur, mais c'est aujourd'hui une activit�� de plus en plus pris��e.
Un ami de fac m'a dit un jour qu'il avait t��l��charg�� Full Tilt Poker pour assister �� une partie entre Phil Ivey et Gus Hansen aux tables de cash-game 'High Stakes'. Beaucoup de mes amis en dehors du monde du poker m'ont ��galement confi�� qu'il leur arrivait parfois de suivre les tables Haute-Limite, par simple curiosit��. C'est un peu comme jouer au touriste au Bellagio, entrer dans la salle de poker et coller son visage contre la vitre de la Bobby's Room pour apercevoir les stars du 'Big Game'. En tant que joueurs de poker, nous partageons tous le secret fantasme de dominer les plus grosses limites et de battre les requins �� leur propre jeu en leur soutirant des millions de dollars. C'est pour ?a que nous aimons assister �� ces parties hors de prix, qu'elles se d��roulent en 'live' ou en ligne. A travers ces joueurs, une chance nous est donn��e de pouvoir vivre ce r��ve par procuration, de nous imaginer un instant �� leur place. En fait, m��me mes amis qui sont joueurs professionnels jettent souvent un oeil pour voir qui est assis aux tables 500$/$1.000$.
Personnellement, ?a fait longtemps que je n'ai pas ouvert un logiciel de poker pour aller mater les plus grosses tables. A l'aube du poker en ligne, il n'y avait gu��re que les "trolls" et les joueurs fauch��s �� la recherche de financiers pour assister aux grosses parties. En plus, assister �� une partie de poker en ligne est loin d'��tre une activit�� aussi cool ou macho que faire de la varappe ou du rafting.
Mike Matusow a tout chang��. Au tout d��but de Full Tilt, avant que quiconque ait entendu parler de Patrik Antonius, �� l'��poque ou "durrrr" devait encore s��cher sur ses copies au lyc��e, Matusow ��tait d��j�� un r��gulier des tables de no-limit �� 50$/100$ �� les pus hautes limites disponibles sur le site �� l'��poque. Le tr��s haut-en-couleurs Matusow a su attirer �� sa table une foule turbulente de spectateurs. Ses fans encourageaient leur h��ros tandis que ses d��tracteurs attendaient impatiemment qu'il se fasse lessiver. La chat box ��tait pleine �� craquer des commentaires d'un Matusow dialoguant simultan��ment avec les "railbirds" et ses adversaires.
Matusow ��tait constamment d��rang�� par des fans imp��cunieux lui demandant une petite obole. Parfois, il arrivait avec en poche quelques questions plus ou moins obscures auxquelles une bonne r��ponse valait un transfert de 5$ de sa part. Dans ces moments-l��, c'��tait la folie sur la chat-box, les fans se comportant en pigeons �� la recherche d'une derni��re miette.
Les soir��es avec Matusow valaient vraiment leur pesant de cacahu��tes mais, le reste du temps, avouer qu'on regardait du poker sur Internet restait un moment embarrassant. Et ?a l'��tait encore plus pour moi, un journaliste pay�� pour assister �� des tournois de poker dans la vie r��elle : c'aurait ��t�� absurde qu'une fois rentr�� �� la maison je continue �� regarder du poker online plut?t que de profiter de mon temps libre �� me vider un peu la t��te. C'est pourtant ce que je fais pendant des ann��es. Mater des sessions de poker 'High Stakes' est m��me assez rapidement devenu un petit plaisir coupable.
A cette aune, le "durrrr Challenge" semblait un concept excitant �� au d��but du moins. Tom "durrrr" Dwan a lanc�� un d��fi �� la plan��te poker (le seul joueur exclu de cette offre ��tant son pote OMGClayAiken) et Patrik Antonius a ��t�� le premier �� en accepter les conditions. Je faisais partie des gens qui pensaient qu'on venait de trouver la version post-moderne du t��te-��-t��te l��gendaire entre Johnny Moss et Nick le Grec, qui s'est tenu au Horseshoe de Las Vegas il y a pratiquement 60 ans de cela.
Si Antonius et Dwan avaient fait un effort concert�� pour se rencontrer r��guli��rement, le "durrrr" Challenge aurait vraiment pu marquer un jalon dans l'histoire du poker. Moi je m'attendais �� ce qu'ils jouent pendant une semaine sans discontinuer, ou alors avec des pauses de 10 minutes toutes les 24 heures. J'aurais bien aim�� ��tre scotch�� �� mon ordinateur, en train de mater des sessions-marathon de 72 heures d'affil��e. H��las, le 'durrr Challenge' s'est jusqu'�� pr��sent r��sum�� �� une succession de sessions ternes et sans int��r��t. Les deux joueurs ne se sont affront��s que de mani��re sporadique, d��passant rarement les 1.000 mains d'un coup. Ils ont pass�� beaucoup plus de temps �� leurs tables habituelles �� plut?t que l'un contre l'autre aux tables sp��cialement r��serv��es au "durrr Challenge". Ils ��taient encore loin d'avoir fini au d��but des WSOP, et ils n'ont finalement d��pass�� la premi��re moiti�� des 50.000 mains pr��vues que la semaine derni��re.
Le "durrrr" Challenge me fait penser �� un film �� gros budget d'Hollywood (avec des stars de la "A-list") qui s'av��rerait finalement un gros navet. Beaucoup de barouf' pour pas grand chose. Juste un gachis de temps et d'argent. Pour tenter une autre comparaison, j'esp��rais assister �� une sorte d'Ultimate Fight Championship sanguinolent. A la place, on a eu droit �� deux boxeurs sautillants ne pensant qu'�� ��viter de se prendre une droite.
Antonius et Dwan sont bien plus int��ress��s par la perspective de plumer un nouveau pigeon ��gar�� �� leur table plut?t que de se battre l'un contre l'autre. En cons��quence de quoi, le "durrrr Challenge" s'apparente de plus en pus �� une corv��e. Autant pour les joueurs que pour les spectateurs. C'est un fiasco.
Il y a deux semaines, victime d'une grosse crise d'insomnie, j'ai pass�� ma nuit devant les tables finales de diff��rents tournois des WCOOP sur PokerStars. Pas la plus excitante des perspectives �� priori mais y assister m'a donn�� l'occasion de regarder deux des meilleurs joueurs du monde dans leurs oeuvres: Le champion du Main Event des WCOOP Yevgeniy "Jovial Gent" Timoshenko et Bertrand "ElkY" Grospellier.
"ElkY" a connu un 'rush' de trois jours qui lui a permis de remporter deux bracelets des WCOOP et 500.000$. Son exploit le plus retentissant ? Effacer 9.220 joueurs pour d��crocher son second bracelet en 2009.
J'ai aussi pris beaucoup de plaisir �� regarder le tournoi de t��te-��-t��te 'High Roller' �� 25.000$ de buy-in; la table finale comportait quelques uns des plus grands sp��cialistes mondiaux du format 'Head'-up' : Peter Eastgate (Le Champion du monde 2008), Olivier "Adonis12�� Busquet (un fran?ais de New-York ayant r��cemment remport�� le WPT Borgata), Alexander "joiso" Kostritsyn (l'un des meilleurs joueurs russes) et Sorel "zangbezan24�� Mizzi (la fiert�� du Canada). En d��pit de cette comp��tition f��roce, c'est un jeune pro du Massachusetts, Jonathan "Iftarii" Jaffe, qui s'est finalement impos��, battant Busquet en finale.
Durant le Main Event des WCOOP, j'ai vu Timoshenko d��truire la table finale. A la t��te d'un gros tapis, il n'a cess�� de se jeter comme un mort de faim sur tous ceux qu'il suspectait de la moindre faiblesse. Lorsque j'ai vu le replay de la table finale sur PokerStars.tv, ?a a ��t�� comme si j'assistais �� un tout nouveau match parce que je pouvais tout d'un coup voir les cartes des joueurs. J'ai vite r��alis�� que Timoshenko et Daniel "djk123" Kelly (le joueur de l'ann��e des WCOOP, avec deux bracelets) avaient jou�� de mani��re beaucoup plus loose et agressive que je ne l'avais tout d'abord imagin�� �C ce qui a rendu leurs performances en table finale encore plus impressionnante.
PokerStars.tv offre un peu le m��me genre de services qu'ESPN, avec ses rediffusions des tables finales des WCOOP et du Sunday Million. Et les commentaires du britannique Nick Wealthall ont ��lev�� le niveau de classe et de sophistication de ces r��sum��s. Sans compter les cartes des joueurs soudain visibles qui ajoutent encore un int��r��t ��ducatif �� l'ensemble. Vous voyez toutes sortes de moves avanc��s, et aussi beaucoup de contre-exemples vous montrant comment NE PAS jouer une main.
Et puis il y a 2 Months, 2 Million, qui est un reality show sur des pros jouant au poker en ligne. Dans le tout dernier ��pisode, l'un des h��ros du show, Jay Rosenkrantz, d��crypte un 'tell' crucial contre David "Viffer" Peat. Si vous ne savez pas qui est Peat, sachez que c'est un type qui a un jour perdu un ��norme pot en cash-game de no-limit contre le pro britannique John Duthie, lorsque ce dernier a fait un 'hero call' de folie contre son bluff : Duthie avait hauteur Dame et Peat hauteur Valet. Bref, Rosenkrantz remarque tout d'un coup un 'pattern' de mise �� des mises �� la hauteur du pot lorsque Peat n'a rien du tout. Rosenkrantz d��cide donc de mettre cet indice �� profit pour tendre une embuscade �� Peat. Mais �� l'inverse du film "Les joueurs", dans lequel Mike McD r��v��le �� Teddy KGB qu'il a d��cel�� un de ses tells, Rosenkrantz reste muet et se contente de remporter quelques pots monstrueux au d��triment de son infortun�� adversaire. C'est la cur��e. Dans une main, Rosenkrantz h��rite m��me joyeusement d'un pot �� 316.000$ et Peat ne le prend pas super bien.
- "Meurs dans les flammes de l'enfer!" s'exclame-t-il, rageur.
Une sentence finale qui n'est sans doute pas aussi ��l��gante que celle de Nick le Grec lorsqu'il a admis sa d��faite par ces simples mots, "Mr. Moss, je vais devoir vous laisser."
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