Licences Poker Online : les Kahnawakes sur le sentier de la guerre ?
Kahnawake. Un nom qui sonne comme un cri de guerre et pour cause, cette petite communaut�� (8000 habitants) install��e depuis des temps imm��moriaux au bord du fleuve Saint-Laurent non loin de Montr��al (Qu��bec) a h��rit�� du temp��rament de ses anc��tres Mohawks de la grande tribu des Iroquois.
Mais ce nom est surtout connu des joueurs de poker du monde entier car ce territoire de 50km2 abrite les serveurs internet de dizaines de sites de poker et casinos en ligne, une particularit�� qui en fait un des points chauds du globe en terme de d��veloppement d��un des jeux les plus populaires de la plan��te.
Apr��s plus d'une d��cade de succ��s ��conomique foudroyant, le droit des Kahwanakes �� rester le centre nerveux de milliers de casinos et sites de poker sur internet pourrait ��tre remis en cause par la l��galisation progressive du secteur global des jeux en ligne.
N��1 mondial des licences de jeux en ligne
Face aux remous provoqu��s par le boom du poker au niveau international et aux attitudes dissonantes des pays concern��s (l��galisant ou prohibant les jeux en ligne selon la logique commerciale et id��ologique de chacun), la tribu Kahnawake a permis �� de nombreux sites internet de se pr��munir des affres provoqu��s notamment par l��UIGEA (Unlawful Internet Gambling Enforcement Act), cette loi mise en place aux USA qui interdit toute sorte de jeu d��argent en ligne au niveau f��d��ral et qui a litt��ralement co?t�� des milliards �� des g��ants du secteur comme Party Poker.
��tablie en juin 1996, la Commission des Jeux Kahnawake (KGC, Kahnawake Gaming Commission) s��est r��v��l��e au grand public en prenant des sanctions exemplaires �� la suite des affaires de tricherie sur Ultimate Bet et Absolute Poker qui avaient secou�� le monde du poker en ligne durant pr��s de cinq ans. Ces scandales retentissant avaient mis en cause certains des plus hauts dirigeants de ces sites d��sormais regroup��s sous la seule entit�� du r��seau CEREUS apr��s une remise �� plat des mesures de s��curit�� et la condamnation des fautifs par la KGC.
Ce n'est que via l'intense m��diatisation de ces affaires que nombre de joueurs ont d��couvert le r?le pro��minent de la petite tribu nord-am��ricaine dans l'infrastructure de nombreux grands noms du poker online tels que Cake Poker, Bodog Poker, Everest Poker et bien d��autres encore. Aujourd'hui, la tribu Kahnawake reste par l'entremise de la KGC le fournisseur N��1 de licences de jeux en ligne dans le monde.
Kahnawake, Malte, Man, Gibraltar : m��me combat
A l��instar du petit ��tat de Malte, l��?le Britannique de Man, le protectorat de Gibraltar ou encore Antigua & Barbuda, les Kahnawakes ont su mettre �� profit la particularit�� de leurs statuts pour offrir aux grands sites de poker un havre de paix dans le monde agit�� du poker online, sans oublier de nombreux avantages fiscaux et l��gaux.
Mais contrairement �� tous ces micro-��tats qui ont su s'engouffrer dans la br��che l��gale d'un march�� du jeu en ligne juteux et ignor�� par de nombreuses nations, la tribu Kahwanake peut faire valoir des arguments culturels et identitaires ancestraux qui p��seront lourd dans le bras-de-fer engag�� avec les diverses autorit��s, qu'elles soient r��gionales ou internationales, pour conserver son emprise sur le business global des jeux en ligne.
Le jeu, socle fondateur de la culture Kahnawake
Au-del�� de l��aspect opportuniste de l��entr��e de la tribu dans le cercle ferm�� des acteurs majeurs du poker online au niveau global, les Kahnawakes font valoir un droit inali��nable et une tradition ancestrale qui remonte �� des temps imm��moriaux, ainsi que l��expose le juriste Morden C. Lazarus dans un memorandum publi�� fin 2005 et intitul�� : ? Une Argumentation Circonstanci��e pour le Droit des Mohawks de Conduire, Faciliter et R��guler Toutes Formes de Jeu sur ses Territoires et la Cr��ation d��un Cadre L��gal pour les Activit��s de Jeu Aborig��nes au Canada ?.
A la base de son argumentation, Lazarus explique que le jeu sous toutes ses formes (concours tir �� l��arc mais aussi de nombreux jeux de d��s et d��riv��s) a jou�� un r?le fondamental en tant que vecteur de paix dans le d��veloppement des ��Premi��res Nations�� (nom que se donnent les tribus aborig��nes d��Am��rique du Nord).
? La Constitution fondatrice de la Conf��d��ration des Iroquois (fond��e en 1867, NDLR), la ��Grande Loi de Paix�� (Great Law of Peace) expose les principes selon lesquels les nations de la Conf��d��ration co-existent en harmonie. Elle met en exergue le principe fondamental de la r��solution non-violente des conflits ?, explique Lazarus.? Des jeux tels que le ��Lacrosse�� ��merg��rent en tant que moyen de r��solution des conflits entre groupes ou individus (��) par le biais de paris sur le r��sultat d��une partie. De fait, le jeu repose au centre de la culture et de l��histoire des Mohawks de Kahnawake ?, conclut le juriste en pr��ambule de son expos��.
Le 'tilt', une tradition Mohawk!
Le parall��le entre cette culture ancestrale du jeu et certains traits communs du joueur de poker ou de casino contemporain laisse peu de place au doute quant �� l��attachement des Iroquois �� ces occupations.
Ainsi, d��s 1721, un colon fran?ais notait d��s son arriv��e en Nouvelle France (le Qu��bec actuel) le comportement compulsif des indiens arborig��nes au cours d��un jeu nomm�� ��Platter�� :? Ils en perdent parfois le sommeil et �� un certain degr�� leur bon sens. Ils misent tout ce qu��ils poss��dent et plusieurs d��entre eux sont connus pour avoir continu�� jusqu���� se retrouver totalement nus et perdre toutes leurs possessions. Certains y ont m��me temporairement perdu leur libert��. Ceci prouve sans l��ombre d��un doute leur passion d��vorante pour ce jeu, aucun peuple n����tant plus jaloux de leur libert�� que nos Indiens ?.
Les autorit��s du Canada bottent en touche
Devant l��argument massue d��une identit�� culturelle marqu��e �� ce point par le jeu longtemps avant que leur territoire ne soit d��couvert puis envahi par les nations d��Europe, au premier rang desquelles la France, le gouvernement du Qu��bec et les autorit��s f��d��rales du Canada se sont bien gard��es d��attaquer de front la l��gitimit�� de la plateforme globale de jeu en ligne cr����e par les Kahnawake.
Bien que plusieurs membres de ces gouvernements aient publiquement d��sign�� comme ? ill��gales ? les activit��s du M.I.T (Mohawk Internet Technologies), Lazarus souligne dans le magazine sp��cialis�� Gaming Law Review and Economics qu��aucune action concr��te n��est venue appuyer ces accusations, les autorit��s concern��es ayant pris l��habitude de balayer le probl��me sous le tapis au lieu d��un affrontement public �� l��issue l��gale (et surtout m��diatique) plus qu��incertaine.
Le Qu��bec ne veut pas d'une "Crise d'Oka" virtuelle
Expliquant en partie le fait que les autorit��s gouvernementales marchent sur des ?ufs, il faut bien reconna?tre que la d��termination des Mohawks a sauvegarder leur culture et leurs rares privil��ges n��a rien �� envier au temp��rament guerrier de leurs anc��tres. Durant tout l����t�� 1990, les Mohawks ont d��fendu pied-��-pied et litt��ralement les armes �� la main l��int��grit�� territoriale de la petite ville d��Oka menac��e par l��expansion d��un terrain de golf. La ? crise d��Oka ? devint rapidement un enjeu international pour toutes les tribus indiennes d��Am��rique du Nord.
Nombre d��entre elles accoururent de toutes parts du Canada et des USA pour faire face �� l��Arm��e Canadienne appel��e en renfort dans une tentative d��sesp��r��e d��enrayer un enlisement m��diatique en train de d��g��n��rer en conflit arm��. Le face-��-face se termina au bout de 78 jours par la reddition victorieuse des Mohawks qui jet��rent leurs armes au feu en ��change de l��annulation de l��expansion du parcours de golf par le maire de la ville.
Une lutte de pouvoir d��plac��e sur le terrain l��gal
Cette bataille hautement symbolique et largement m��diatis��e a ��chaud�� le gouvernement f��d��ral sur une ��ventuelle remise en question du droit des Kahnawakes a exploiter le filon des jeux en ligne. La tactique du pourrissement par le silence pourrait en effet se r��v��ler �� terme d'une redoutable efficacit��. La l��galisation progressive de ce secteur au Qu��bec fournit en effet un levier de poids dans l��in��vitable n��gociation de nouveaux termes d��existence l��gale pour le M.I.T et son organe de r��gulation, la KGC.
Selon le journal canadien ��The Gazette��, le Grand Chef Kahnawake John Norton avait ainsi entam�� des pourparlers avec le Parti Qu��b��cois d��s 1999 pour ��tablir d��finitivement la l��galit�� du M.I.T. dont il repr��sentait les int��r��ts, offrant m��me au gouvernement une part des actions de l��organisme responsable des op��rations de centaines de casinos et salles de poker en ligne. Une proposition rest��e lettre morte �� ce jour.
Le silence des autorit��s comme une sourde menace
Cherchant �� faire inscrire le M.I.T sur la ? liste blanche ? du Royaume-Uni, ce qui permettrait aux clients des Kahnawakes de faire de la publicit�� sur le territoire britannique, ces derniers n��ont re?u pour l��instant aucune r��ponse claire. Le gouvernement britannique a en effet pris soin de passer cette patate chaude au gouvernement f��d��ral canadien d��Ottawa qui s��est �� son tour retourn�� vers les autorit��s Qu��b��coises. Selon Lazarus (qui repr��sente les int��r��ts l��gaux des Kahnawakes en la mati��re), ? la requ��te du M.I.T est rest��e sans r��ponse, mais elle est soit n��gative soit d��favorable ?.
Un coup du sort pour la tribu Kahwanake qui a vu plusieurs clients historiques du M.I.T d��localiser leurs serveurs sous des cieux moins mena?ants alors que dans le m��me temps le monopole d����tat Loto-Qu��bec recevait l��autorisation de lancer le premier site de jeux en ligne ? l��gal ? dans la province francophone.
Face �� l'��p��e de Damocl��s qui menace ? la plus grande r��ussite commerciale du d��veloppement ��conomique dans l��histoire des Kahnawakes ?, Lazarus met le gouvernement Qu��becois devant un paradoxe bien connu que pourraient reprendre �� leur compte les joueurs fran?ais : ? ��tant donn�� que le gouvernement s��est attribu�� une si large licence (d��exploiter les jeux d��argent, NDLR), existe-t-il encore une quelconque raison r��siduelle de criminaliser le jeu ? Si tel est le cas, ce ne saurait ��tre sur la base de l��affirmation selon laquelle le jeu est dangereux, un tel danger n����tant clairement pas assez grand pour emp��cher les gouvernements provinciaux de devenir les op��rateurs principaux de ces services ?.
Les Kahnawakes, leurs d��fenseurs et incidemment les clients de leur fleuron technologique et ��conomique du M.I.T entendent bien mettre au pied du mur un gouvernement pour l��instant rest�� sourd �� leur qu��te de respectabilit�� : ? le Gouvernement F��d��ral a ��chou�� dans son Devoir Fiduciaire d? aux Premi��res Nations, en n��ayant pas cr��e un m��canisme permettant aux Premi��res Nations d��exercer leur droit souverain de conduire des activit��s de jeu en territoire Indien et sur les terres r��serv��es aux Indiens ?.
La fin du r��ve ��conomique des Kahwanakes?
La fameuse ? libert�� jalousement d��fendue ? observ��e par notre colon fran?ais d'antan n��a probablement pas fini de faire parler en ces temps o�� les concepts de r��gulation et de prohibition des jeux en ligne s��affrontent dans de nombreux pays du globe. La derni��re pol��mique en date chez les Kahwanakes illustre bien leur ardeur �� defendre leurs droits (ou leurs privil��ges selon le regard qu��on pose sur eux). Les Mohawks ont tout simplement lanc�� une campagne d����viction contre les ��sangs-m��l��s�� et les r��sidents ne pouvant justifier d��une origine 100% Mohawk, une attitude qui trouve peu d����chos favorables au sein de la population qu��b��coise.
Pour donner plus de poids �� ses revendications, la Kahwanake Gaming Commission a pass�� des accords de "compr��hension mutuelle" avec ses homologues de Malte, Antigua et Gibraltar dans l'espoir de trouver plus d'��chos �� ses requ��tes aupr��s de la communaut�� internationale.
Droit inali��nable ou posture de profiteurs au nom de l��identit�� culturelle? Chacun jugera de la l��gitimit�� des Kahnawakes �� rester au centre du monde du poker online dans cette bataille ��conomico-l��gale livr��e �� l��insu de joueurs qui ne se doutent pas forc��ment des enjeux qui se trament derri��re chacun de leurs clics sur les tapis virtuels. Une chose est s?re, les Kahnawakes n'abandonneront pas facilement un des rares privil��ges qui leur a permis de survivre dans un monde o�� les "Premi��re Nations" sont le plus souvent les derni��res servies.
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