Thibault Verbiest : ? les parquets ont d'autres priorit��s r��pressives ?
Thibault Verbiest est avocat sp��cialiste du commerce ��lectronique et de la soci��t�� de l'information aupr��s du cabinet franco-belge Ulys, une association internationale d'avocats. Egalement charg�� de cours �� l'Universit�� Paris 1 Sorbonne, il r��pond aux questions de PokerNews sur l'��tat de la l��gislation en Europe sur la pratique du poker en ligne et la nature du risque encouru par les joueurs.
Thomas Frangel : Levons toute ambigu?t�� : le poker en ligne peut-il en Europe ��tre distingu�� des autres jeux de hasard et d'argent ?
Thibault Verbiest : Il n'y a aucune diff��rence. Le droit europ��en reste tr��s g��n��rique l��-dessus, il ne parle que de jeux d'argent. On ne parle jamais du poker en lui donnant une d��finition juridique distincte. Les loteries y compris font partie de la cat��gorie g��n��rique des jeux d'argent.
Par contre, en droit national, dans chaque Etat, il peut effectivement y avoir une l��gislation particuli��re sur le poker. Le jeu est un domaine qui reste de la comp��tence des Etats. En France et en Belgique, on consid��re le poker comme un jeu de casino, il est donc soumis �� autorisation. En France, les parties payantes dans les casinos ou les cercles de jeux n��cessitent une autorisation du minist��re de l'int��rieur. Le poker en France rel��ve d'une loi des ann��es 80 qui reprend des r��gles fix��es au 19��me si��cle. Et les d��crets qui permettent d'appliquer la l��gislation datent des ann��es 60. En Belgique, on observe une ��volution. Depuis 1999, le poker n'est plus consid��r�� comme un jeu d'adresse et rel��ve de la l��gislation des casinos qui donne un pouvoir de contr?le �� la commission des jeux de hasard. Cette commission se montre tr��s favorable �� une r��glementation des formes modernes du jeu pour que par exemple le jeu en ligne soit mis sur un m��me pied d'��galit�� que le jeu en dur. "
Thomas Frangel : A propos d'��volution dans la prise en compte des jeux d'argent en ligne, on observe une disparit�� grandissante en Europe. Qu'en est-il r��ellement ?
Thibault Verbiest : Le Royaume-Uni a effectivement depuis peu adopt�� une loi en avril 2005, le "Gambling Act", qui permet de mettre en place un r��gime d'autorisation pour tous les jeux interactifs : ordinateurs, t��l��phones mobiles, t��l��visions interactives... Mais la l��gislation n'est pas encore op��rationnelle pour les jeux de casino. Les d��crets d'application sont attendus pour 2007. Le but pour le Royaume-Uni est de rapatrier une s��rie d'op��rateurs d'origine anglaise partis ailleurs mais qui continuent de cibler le public anglais. Ces soci��t��s sont d'autant plus punissables qu'elles conservent des casinos en dur. Contre l'abandon de sanctions, le Royaume Uni esp��re faire revenir par exemple "Ritz Club On line" partie �� Alderney, ou encore "Victor Chandler" dont le si��ge est �� Gibraltar.
A Malte, un op��rateur qui satisfait aux conditions l��gales peut obtenir une licence pour op��rer sur Internet des jeux de casinos. Ce sont des conditions s��rieuses. Malte pratique un syst��me de licence dot�� d'une vraie autorit�� de contr?le, avec une vraie enqu��te de moralit��. A Malte, en Grande Bretagne et �� Gibraltar, les contr?les sont s��rieux. On peut citer aussi Chypre, qui ne propose pas de syst��me d'autorisation, mais dont la fiscalit�� tr��s int��ressante convient aux soci��t��s offshore de paiement, avec les probl��mes de blanchiment que cela comporte. Mais une enqu��te tr��s r��cente du GAFI (Groupe d'action financi��re) a montr�� que les syst��mes de blanchiment en ligne sont de l'ordre du phantasme �� cause de la tra?abilit�� des flux financiers. Il en existe bien moins que dans les casinos en dur.
Thomas Frangel : En France et en Belgique, quelle est l'attitude des pouvoirs publics face �� l'essor des jeux de poker en ligne ?
Thibault Verbiest : En France, les autorit��s poursuivent tr��s peu les casinos en ligne europ��ens. Premi��rement parce qu'il existe une jurisprudence europ��enne en mati��re de droit de la concurrence qui les inqui��te beaucoup. Deuxi��mement parce qu'en France, pour pouvoir poursuivre un exploitant de casino non autoris��, il faut pouvoir dire que l'op��rateur exploite une ? maison de jeu ?, ce qui est tr��s contraignant. Et puis aller perquisitionner �� Malte... En Belgique, la notion juridique est bien plus large. En France, il n'y a eu aucune condamnation ou poursuite �� ce jour. On est dans le flou, car ce qui n'est pas explicitement interdit est autoris��, s'agissant des casinos et du poker. Ceci dit, il en va toutefois autrement pour les paris car la loi fran?aise est plus g��n��rale dans ce cas et s'applique �� l'Internet sans probl��me.
Thomas Frangel : Et du c?t�� des joueurs de poker, de quelle mani��res peuvent-ils ��tre inqui��t��s lorsqu'ils jouent sur des plates-formes non autoris��es ? Quid de leurs gains ?
Thibault Verbiest : En France, ils ne risquent rien au niveau p��nal. Tous les parquets sont d��bord��s en ce moment et ont d'autres priorit��s r��pressives. Mais cela peut changer. Au niveau civil par contre, lorsque les joueurs ont affaire �� des casinos malhonn��tes, ils ne disposent d'aucun recours car la cr��ance de jeux n'est pas admissible en justice, c'est ce que l'on appelle ? l'exception de jeu ?. En Belgique, c'est la m��me chose.
Pour ce qui est des gains provenant des parties de poker, tant que le jeu reste occasionnel, cela reste du domaine du patrimoine priv�� des joueurs, donc ce n'est pas imposable. Mais d��s que le jeu rev��t un caract��re r��gulier, le joueur sera consid��r�� comme un professionnel, m��me s'il joue �� temps partiel et dispose d'un autre emploi. Il devra payer un imp?t comme le font par exemple les boulangers et ou les bouchers. Le fisc ne s'occupe pas de la l��galit��, ce qui l'int��resse est la r��gularit��. Le risque pour le joueur est de voir ses gains requalifi��s par le fisc en revenus professionnels. Dans les casinos en dur, il n'est pas difficile de rep��rer un professionnel. En ligne, c'est plus difficile, il existe plus de fraude fiscale. Sur Internet, il est beaucoup plus question de fraude fiscale que de blanchiment.
Thomas Frangel : Quel avenir pour le poker en ligne ?
Thibault Verbiest : Le poids financier des soci��t��s op��rant sur Internet ne cesse de cro?tre. Des soci��t��s comme Party Gaming ont connu r��cemment une explosion financi��re. Leur capital est sup��rieur �� celui des groupes de casinos en dur. Ce sont de r��els concurrents pour le dur. Aujourd'hui, les casinos en ligne int��ressent beaucoup les investisseurs. Le droit europ��en va ��voluer. Non seulement �� cause des d��cisions de la cour europ��enne de justice en mati��re de concurrence, mais aussi parce que la commission europ��enne est en train de s'int��resser �� une harmonisation europ��enne. Dans 10 ans, on peut esp��rer avoir une institution europ��enne qui va r��guler tout ?a. Pour l'heure, une ��tude est men��e �� la demande de la commission par l'Institut suisse de droit compar�� (ISDC) sur les 25 Etats membres pour identifier les obstacles �� un march�� commun des jeux. L'��tude devrait ��tre rendue en juin 2006. La commission a besoin d'une ��tude objective en termes d'emplois cr����s, de d��veloppement ��conomique et de s��curit�� notamment. Si cette ��tude confirme une distorsion de la concurrence en Europe, et particuli��rement pour les casinos en ligne, la commission devrait s'en servir pour lancer un chantier d'harmonisation.