Kipik Poker : comprendre les statistiques de son tracker
Cela fait longtemps que nous n'avions pas fait un peu de maths dans cette chronique, je suis s?r que cela vous manquait. Je vais donc profiter d��un petit cas de conscience qui m��est arriv�� cette semaine : jusqu���� quel point peut-on faire confiance aux donn��es qu��affiche notre tracker ?
Rappel pour les n��ophytes : les trackers sont des logiciels d'aide �� la d��cision qui analysent divers param��tres de notre jeu et de celui de nos adversaires, affichant en temps r��el les statistiques tir��s des mains observ��es.
Infos ou intox : d��codage des trackers
Quand il s��agit d��estimer le pourcentage de mains jou��es par un joueur (le fameux VPIP, Voluntarily Put Into Play, qui correspond au pourcentage de mains jou��es volontairement par un joueur, donc sans compter les BB o�� personne n��a relanc��), les donn��es convergent tr��s rapidement vers un nombre qui sera relativement correct.
Et, ce, d��autant plus que la valeur du VPIP sera ?hors norme?. Pas de secret, si vous avez jou�� ne serait-ce que dix mains contre un joueur qui affiche un VPIP de 80% (il a donc volontairement jou�� 8 mains sur 10), vous savez que vous ��tes en face d��un bon client. Peu importe que son VPIP soit au final de seulement 48 ou 60 ou 87%, vous en savez d��j�� assez apr��s dix mains pour en tirer la conclusion qui s��impose : ce joueur joue extr��mement loose (large).
Dans ce genre de situation, la qualit�� de l��information fournie par le tracker n��a pas grand int��r��t. Que son VPIP soit de 50, 65 ou 80% ne changera pas grand-chose �� la fa?on dont on abordera ce (bon) client.
Malheureusement, ce genre d��approximation est rarement acceptable. Je ne compte plus le nombre de joueurs que j��ai par exemple catalogu��s ?serrure?, sur parfois plusieurs centaines de mains, avant de finalement me rendre compte qu��ils ne l����taient pas du tout (serr��s). On traverse tous des passes sans jeu, qui peuvent durer tr��s longtemps. Ou, inversement, de gros rush de cartes.
Et puis, parfois, c��est aussi la dynamique de la table qui va contraindre un joueur �� resserrer son jeu (par exemple quand il a des joueurs tr��s larges derri��re lui). Ou, inversement, lui permettre de jouer beaucoup plus large que son ?standard?. Sans tenir compte de facteurs difficiles �� prendre en compte : un joueur peut parfois jouer 16 tables et d��autres seulement 4; il peut ��tre en tilt, ��tre plus ou moins concentr����
Autant d��informations que notre tracker n��a aucun moyen de prendre en compte. Celui-ci ne sait que traiter les donn��es brutes (quantitatif), il n��est pas (encore ?) capable de les qualifier selon le contexte.
Les trackers ne connaissent pas l��erreur��
Une des erreurs les plus fr��quentes que commettent les joueurs, et je plaide tr��s souvent coupable sur celle-l��, est d��accorder une confiance aveugle aux statistiques que leur donne leur tracker.
Or, ces statistiques n��ont parfois aucune valeur. Pire encore, elles peuvent m��me ��tre totalement erron��es.
Il est crucial de comprendre comment interpr��ter ces statistiques par rapport �� l����chantillon disponible afin de savoir quel cr��dit accorder �� notre tracker. C��est l�� qu��interviennent deux notions fondamentales aux statisticiens : l��intervalle de confiance et la marge d��erreur.
Je ne vais pas me lancer dans un cours de statistiques, vous trouverez de tr��s bons didacticiels en ligne, ce qui nous int��resse est le r��sultat. Et comment l��appliquer aux donn��es fournies par notre tracker.
L��id��e derri��re la notion de marge d��erreur est que la qualit�� d��une statistique va d��pendre de la taille de l����chantillon analys��. Rien de surprenant sur le principe, c��est la mise en pratique qui ��tonne souvent.
Prenons un exemple concret :
On relance au Bouton, vilain nous surelance en big blind et notre tracker nous informe qu��il a surelanc�� 7% du temps. Si j��en crois mon tracker, mon adversaire a donc tendance �� surelancer un peu large, pas seulement pour valorisation. Il a ��galement jet�� sa main la seule fois o�� il s��est fait 4b (sur-surelanc��).
Tel quel, d��cider de 4b A?J? (ou au moins de payer son 3b) sur l��assomption qu��il surelance un poil large, semble r��aliste.
N��anmoins, j��ai une autre information �� prendre en compte : j��ai jou�� 122 mains avec lui.
Pour un joueur de ?live?, 122 mains repr��senteraient d��j�� un ��chantillon important. Apr��s tout, vous auriez d��j�� jou�� au moins 4h avec lui et vous auriez une assez bonne ?vision? de son jeu. Malheureusement, online, nous n��avons aucune information physique (comment se tient-il, s��il se sent confiant, la fa?on dont il mis�� etc etc etc) pour nous aider. Et vu qu��on joue presque tous plusieurs tables en m��me temps, il est plus probable qu��on n��a rien remarqu�� de particulier sur lui en seulement 122 mains. Et on ne saura jamais s��il est tout �� coup en tilt apr��s avoir pris un ��norme badbeat sur une des cinq autres tables qu��il joue.
Il faut donc en revenir aux bonnes vieilles statistiques : sur 122 mains, il a 3b 7% du temps.
La derni��re g��n��ration de trackers d��taille un peu plus l��information disponible. Chez ce joueur, le 7% de 3b en 122 mains correspond en r��alit�� �� 7% des 43 occurrences o�� il lui ��tait possible de 3b. En clair : la statistique de 3b exige qu��on puisse surelancer et, donc, que quelqu��un ait d��j�� relanc�� avant nous (ce n��est donc d��j�� pas possible quand on est premier de parole). Sur 122 mains jou��es, cette situation ne s��est produite que 43 fois.
7% de 43 fois = 3. Vilain a donc surelanc�� 3 fois sur les 43 situations o�� cela lui ��tait possible.
On sent bien tout de suite que le 7%, qui nous paraissait un peu large, ne l��est plus r��ellement quand on le traduit en ? 3 fois sur 43 possibles ?.
La marge d��erreur en pratique
Passons outre le cours de statistiques et balan?ons la formule. Il en existe une assez simple qui permet de d��terminer la marge d��erreur d��une statistique en fonction de la taille de l����chantillon (avec un intervalle de confiance de 95%, je vous laisse creuser la chose si vous souhaitez en savoir plus, wiki et autres sont toujours vos amis) :
Marge d��erreur, avec un intervalle de confiance de 95% �� 0.98/��n
O�� n est la taille de notre ��chantillon (ici, 43)
Le nombre donn�� par notre tracker sera en r��alit�� compris entre ce nombre moins la marge d��erreur et ce nombre plus la marge d��erreur.
0.98/��n avec n=43 = 0.98/6.55 = 0.15
Sur un ��chantillon de 43 occurrences, la marge d��erreur est d��environ 15%. Et le joli 7% qu��affiche notre tracker est �� lire ���� 95% de certitude quelque part entre 7-15% et 7+15% (donc, entre 0% et 22%)��.
Autrement dit, notre tracker ne nous dit rien. Ou, plus pr��cis��ment, rien de valable. Rien de r��ellement int��ressant. Rien qui nous permette de prendre une d��cision en toute confiance.
Comment ��volue la marge d��erreur dans le temps ?
Sur une base de 7% de 3bet, avec un intervalle de confiance de 95%, sur un ��chantillon de :
��chantillon | Marge d'erreur | 3b % r��el | |
10 | 31% | 0%-38% | |
20 | 22% | 0%-29% | |
30 | 18% | 0%-25% | |
50 | 14% | 0%-21% | |
100 | 10% | 0%-17% | |
250 | 6% | 1%-13% | |
1000 | 3% | 4%-10% |
M��me un ��chantillon de 250 occurrences ne nous permet pas r��ellement d��avoir une bonne id��e de la fr��quence de 3b. A 95% de certitude quelque part entre 1% et 13%...
Sur un ��chantillon de 1000 occurrences, o�� ce joueur aurait donc 3bet 70 fois, l��intervalle de 95% nous donne une range entre 4 et 10%. Il est encore tr��s difficile de d��terminer si ce joueur 3b seulement pour valoriser ou s��il est capable d��ouvrir son range.
Pour l��anecdote, il faut environ un ��chantillon de 10000 situations pour obtenir une marge d��erreur de moins de 1% avec 95% de confiance et, donc, mettre notre adversaire sur une range de 3b entre 6 et 8%.
��videmment, il est absurde de vouloir faire ces calculs pendant une main. La seule chose qu��il faut en retenir, c��est que la marge d��erreur se r��duit extr��mement lentement. Et que les nombres affich��s par notre tracker sont �� prendre avec ��norm��ment de prudence. Mon tracker me dit que ce joueur a 3bet 7% du temps mais il peut tout aussi bien sur-relancer seulement AA ou une main sur cinq.
En particulier quand il s��agit de statistique complexe.
Attention aux statistiques complexes
Une statistique simple comme le VPIP va converger assez rapidement vers quelque chose de r��aliste. Sur 100 mains jou��es, la marge d��erreur sera de 10% maximum. Sur 250, elle ne sera plus que de 6%. Sur mille mains, un VPIP affich�� de 22% sera extr��mement r��aliste.
Si, maintenant, je m��int��resse au VPIP par position (par exemple combien de mains joue-t-il depuis le Cutoff), alors l����chantillon n��cessaire pour avoir la m��me pr��cision sera 6 fois plus grand (si je joue en 6-max, 9 fois plus grand en table de 9).
Certaines statistiques vont mettre extr��mement longtemps avant d����tre significatives. Prenons notre exemple et regardons sa statistique de ?fold to 4bet? (autrement dit, combien de fois ce joueur a surelanc�� et s��est couch�� quand on lui est revenu dessus). Sur 122 mains jou��es, il a eu la possibilit�� de 3bet 43 fois, a r��ellement 3bet 3 fois et s��est fait 4bet 1 fois. Le tracker affiche donc 100% de ?fold to 4bet?. Situation qui n��est arriv��e qu��une fois sur 122 mains et signifie, en r��alit��, que notre adversaire va se coucher sur un 4bet entre 2% et 100% du temps. Notre tracker serait aveugle et muet, ce serait pareil��
Autant dire qu��on travaillera rarement avec une faible marge d��erreur �� part pour des statistiques de base comme VPIP et PFR (et encore, cela ne tiendra pas compte de la possibilit�� que le style du joueur ait ��volu�� le temps qu��on recueille un tel ��chantillon, ce qui est tr��s probable).
On a tous d��j�� hurl�� devant notre ��cran quand, alors qu��on d��cide finalement de 4b �� tapis avec une main moyenne un joueur qui sur-relance en permanence, celui retourne une premium. Qu��on utilise un tracker ou simplement notre cerveau, le fait est qu��on va s��appuyer sur un ��chantillon faible o�� un joueur semble sortir des normes. Or, rien ne le prouve.
Tracker or not tracker : statistiques ou instinct
La taille m��me de l����chantillon sur lequel on s��appuie pour prendre notre d��cision (et 4bet) ne permet pas, en r��alit��, de prendre une d��cision raisonn��e. Qu��un joueur 3bet quatre des vingt derni��res mains jou��es ne signifie absolument pas qu��il 3bet 20% du temps. C��est possible. Mais la marge d��erreur sur un aussi faible ��chantillon est tellement importante qu��elle ne nous permet, en fait, de tirer aucune conclusion r��aliste.
Si vous jouez sans tracker, vous allez appuyer votre jeu sur votre perception des choses. Sur la dynamique per?ue. Vous allez parfois/souvent vous tromper mais ce n��est pas le plus important. Le risque avec un tracker est de s��appuyer sur les statistiques donn��es sans comprendre r��ellement leur valeur. Les nombres affich��s prennent une valeur r��elle, presque palpable, qu��ils ne m��ritent pas le plus souvent.
Un bon exercice pour vous en convaincre : jouez une table en d��cidant de ne sur-relancer que AK et QQ ou mieux. Et observez combien de temps votre propre statistique de 3b va mettre pour afficher 2.6%. Mon pari est que vous serez parti vous coucher bien avant��
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