Le Squeeze Play : une arme �� double-tranchant
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Le Texas Hold'em doit sa popularit�� en partie au fait qu'on y joue contre d'autres joueurs, et non contre la banque. Au lieu d'��tablir un plan de jeu comme au black ou �� la roulette, vous devez ajuster votre strat��gie aux joueurs qui sont assis autour de votre table. Vous jouez contre d'autres ��tres humains, et quoi de plus humain que de mentir de temps en temps ? La science du bluff permet d'emporter des pots qui ne vous seraient pas revenus si vous ��tiez all��s �� l'abattage.
Le squeeze play : un bluff simple et efficace
Un de mes bluffs favoris est le ? squeeze play ?. Ce coup se nomme ainsi car il repose notamment sur le fait de prendre en tenaille un joueur qui s'est content�� de payer une relance d'un autre joueur. La m��canique du squeeze est assez simple en elle-m��me mais elle repose sur une lecture juste des mains adverses, principale condition de succ��s de cette man?uvre qui se d��compose ainsi.
1. Un premier joueur ouvre (au cutoff par exemple) avec une relance standard (en ��tant le premier �� parle)
2. Un deuxi��me joueur se contente de suivre la relance (la petite blind par exemple)
3. Un troisi��me joueur sur-relance, au besoin �� tapis, en dernier de parole (ici la grosse blind par exemple)
L'id��e principale derri��re cette man?uvre est que le relanceur initial aura parfois une bonne main pour ouvrir avec une relance mais plus rarement une main suffisante pour payer une sur-relance, ne sachant pas ce que le joueur derri��re lui va faire. Le relanceur est coinc��. C'est l'effet de tenaille voulu par le squeeze.
Le relanceur initial aura souvent la c?te pour vous payer, mais le fait d'avoir un dernier joueur �� parler derri��re lui le paralyse compl��tement et l'emp��che de tenter sa chance en face �� face. A moins d'avoir un monstre en main ou de tr��s, tr��s bonnes raisons de voir un bluff, la seule chose �� faire pour lui est de jeter sa main et passer les jetons investis en pertes et profits. Quant au deuxi��me joueur, il avait sans doute une main assez bonne pour payer la premi��re relance et se retrouver au flop en position. Mais le squeeze le force �� payer une relance bien plus forte pour qui plus est, se retrouver hors de position au prochain tour d'ench��res ! Lui aussi passera la plupart du temps, et le ? squeezeur ? r��cup��rera le pot sans m��me aller voir le flop.
MAIS ATTENTION ! Le squeeze est un coup risqu�� que vous ne devez tenter que lorsque toutes les conditions n��cessaires sont r��unies !
Voici deux exemples de squeezes r��alis��s dans des situations sous haute pression en fin de Main Event des WSOP. Le premier expose les cons��quences funestes d'une squeeze dont le contexte a ��t�� mal ��valu��. Le deuxi��me d��montre que bien ��x��cut��, ce bluff peut rapporter tr��s gros avec absolument rien en main.
Un squeeze rat�� qui co?te cher : Manuel Bevand aux WSOP 2008
Lors du dernier Main Event des World Series of Poker (WSOP), Manuel Bevand fut le meilleur pro du Team Winamax et un des rares Fran?ais �� atteindre les places pay��es. Apr��s un gros rush durant le Day 3 la nuit pr��c��dente le voil�� au Day 4 avec un tapis de 270.000, loin de la moyenne mais suffisant pour attendre une bonne occasion de doubler avec des blindes �� 3.000/6.000.
C'est alors qu'intervient un coup en fin de journ��e o�� "ManuB" va tenter son coup favori, un bluff qu'il utilise au moins une fois par tournoi : le squeeze.
Un joueur au hijack (deux places avant le bouton) relance �� 20.000. Le joueur juste apr��s lui au cut-off d��cide de suivre. Bevand prend quelques secondes de r��flexion et annonce tapis pour 270.000 !
Le premier joueur passe et le second paie instantan��ment avec une 10?10?. Bevand retourne alors une main vraiment marginale : J?7? ! Le tableau ne lui apportera rien de plus qu'un tirage couleur et le Fran?ais sortira sur ce coup.
Que s'est-il pass��?
Manuel Bevand a profit�� des temps morts o�� il n'��tait pas impliqu�� dans les coups pour observer sa table et ses lectures se sont r��v��l��es extr��mement justes jusqu'�� pr��sent. Il a identifi�� le premier relanceur comme large agressif. Quant au second joueur il est plut?t passif.
Le coup est donc tr��s logique dans sa construction et se pr��te bien �� un squeeze. Bevand expliquera les raisons de sa d��cision ainsi : "Je fais ?a parce que si cela passe, je monte un tapis de 350,000 ce qui m'aurait permis d'��tre une menace plus importante apr��s le flop. J'��tais sur �� 99% de mon read sur le premier joueur mais j'ai oubli�� le second a aussi parfois une main m��me si cela reste tr��s rare avec un joueur de ce profil".
En effet, ManuB a "oubli��" que le second joueur s'��tait d��j�� content�� de payer une relance sur un coup pr��c��dent avec... une paire de 10 ! Couvrant largement le Fran?ais, ce joueur n'a donc pas h��sit�� �� tenter le coin-flip, pour finalement se voir largement devant. La seule vraie erreur sur ce coup est peut-��tre d'avoir fait tapis. ManuB aurait pu relancer �� 70.000. Son adversaire aurait probablement sur-relanc�� �� tapis et ManuB aurait du jeter sa main. On ne peut pas envisager que le second joueur se soit content�� de payer avec une paire moyenne. Mais la pression du tournoi, le rythme lancinant dans lequel la table est tomb��e, et la fatigue accumul��e apr��s 5 jours pleins d'un tournoi intense et exigeant ont eu raison de la concentration de Manuel Bevand : "Je suis fatigu�� mais je ne suis toujours pas redescendu du rush provoqu�� par l'action. Je n'ai pas encore de recul quant �� la fin de mon tournoi m��me si j'aime de moins en moins la main sur laquelle je suis sorti. Mais il faut savoir prendre des risques quand on a une intuition. Mon move ��tait bon mais mon stack ��tait trop important. (...) Le spot n'est pas mauvais mais il n'est pas g��nial non plus. J'avais envie de jouer mais je n'��tais pas oblig�� (quoique ?a reste EV+)."
Cette situation montre �� quel point vous devez ��tre SUR ET CERTAIN de vos lectures avant de tenter un squeeze play.
Dan Harrington r��alise un squeeze d'anthologie en table finale des WSOP
Voici un exemple tir�� des WSOP 2004 qui montre comment un squeeze bien ex��cut�� peut vous rapporter un gros paquet de jetons durant une phase cruciale d'un tournoi, et peut faire la diff��rence entre mourir �� petit feu ou vaincre les armes �� la main ! Ce coup se d��roule �� la table finale, et il ne reste que 7 joueurs :
[Petite Blind] Glen Hughes 2.375.000$
[Grosse Blind] David Williams 3.250.000$
1 Josh Arieh 3.890.000$
2 Al Krux 2.175.000$
3 Greg Raymer 7.920.000$
4 Matt Dean 3.435.000$
5 Dan Harrington 2.320.000$
Les blinds sont de 40.000/80.000 avec antes de 10.000, le pot est donc de 190.000 au d��part de la main.
Josh Arieh ouvre avec une relance de 225.000 avec K?9?, un peu moins que 3 grosses blinds. A ce moment il est l'un des joueurs les plus actifs �� la table.
Al Krux couche sa main.
Greg ? Fossil Man ? Raymer n'a pas eu de jeu depuis un long moment et il d��cide de suivre avec A?3?.
Matt Dean jette sa main.
Dan Harrington aurait pu jeter sa main 6?2?, mais le call de Raymer va cr��er les conditions id��ales pour un squeeze. La table joue plut?t large et les joueurs se retrouvent souvent tent��s d'aller voir un flop pour pas trop cher quand la c?te n'est pas trop mauvaise. Du coup une relance standard �� 500.000 ne suffit plus pour d��courager les curieux. Pour ces raisons et parce que tous les ��l��ments ��taient en place pour cette man?uvre bien pens��e, Dan Harrington sur-relan?a �� 1.200.000 !
Glen Hugues jeta sa main, comme David Williams qui avait de loin la meilleure main avec A?Q? mais ne pouvait d��cemment pas tenter le diable avec ce jeu !
Josh Arieh se sentit soudain plut?t mal embarqu�� avec son K?9?et deux joueurs derri��re lui. Il jeta logiquement sa main.
Greg Raymer partit du principe qu'il ��tait face �� un As mais dot�� d'un meilleur kicker, ou bien contre une petite ou moyenne paire. Dans les deux cas c'��tait beaucoup trop cher pour lui, et il coucha logiquement sa main.
Quand et comment tenter le squeeze?
Rien n'est plus satisfaisant que de r��ussir un squeeze play, et vous pouvez ramasser un paquet de jetons avec cette man?uvre, en particulier quand les blinds sont suffisamment ��lev��es. Mais avant de vous prendre pour Super-Squeeze-Man et de vous jeter dans le vide, il vous faudra tout de m��me prendre quelques pr��cautions pour ne pas vous ��craser sur le bitume avec un bluff moisi qui vous mettra dans une position fort embarrassante. Suivez les conseils suivants et vous aurez de bonnes bases pour faire du squeeze une arme de plus dans votre arsenal de joueur de poker :
1. Avant toute chose, vous devez avoir une bonne raison de penser que le relanceur initial n'a pas une main assez bonne pour payer votre sur-relance. Evidemment plus vous aurez de tells pr��cis sur le joueur et plus votre d��cision sera facile �� prendre. C'est sur ce genre de coups que toutes les informations accumul��es lors d'une patiente observation de vos adversaires donneront le plus dividendes. Si vous avez remarqu�� que le relanceur ouvre souvent en position, c'est un bon signe. S'il a marqu�� un temps d'arr��t et recul�� inconsciemment au moment de soulever ses cartes avant de miser, jetez votre main qui ne fera jamais coucher la paire de Rois ou d'As adverses. Pour faire simple, vous devez savoir si le premier joueur a tendance ou non �� relancer en premier de parole avec des mains marginales ou pas. Cette seule information peut parfois suffire �� justifier un squeeze si votre instinct vous souffle que tel est le cas. Le relanceur id��al pour un squeeze est donc un joueur plut?t large-agressif.
2. Le deuxi��me joueur a juste pay�� la relance, au lieu de sur-relancer. S'il avait sur-relanc�� avant que vous ne parliez, vous pouvez ��tre assez confiant qu'il a sinon un monstre au moins une tr��s bonne main comme As-Roi, ou une paire de Valets voire une paire plus haute. En aucun cas votre sur-relance ne le fera fuir surtout une fois que le relanceur initial a jet�� sa main. Le fait de payer sec la premi��re relance indique en g��n��ral une main pour aller voir le flop, notamment une petite paire ou une main �� tirages comme des connecteurs assortis, mais pour payer un deuxi��me relanceur. L'id��al est donc que ce second joueur soit plut?t du style large-passif.
3. Vous devez avoir une image tr��s solide �� la table. Id��alement vous aurez projet�� une image de joueur serr�� et vos adversaires n'ont vu que des mains premiums sur les abattages o�� vous ��tiez impliqu��s. Si vous vous ��tes fait attraper en flagrant d��lit de bluff, vous aurez beaucoup, beaucoup de mal �� r��ussir votre squeeze. Le squeeze est un coup important mais risqu��, qui repose aussi beaucoup sur le fait que vos adversaires ne vous croient pas capable de bluffer dans cette configuration. Si vous les pensez capables de vous voir en bluff ou que vous leur donnez de bonnes raisons de le penser abandonner l'id��e du squeeze jusqu'�� r��tablir une image serr��e, par exemple en ne montrant que deux grosses mains sur deux heures de jeu.
4. Evitez de multiplier les squeezes sur une m��me session ou sur une m��me table lors d'un tournoi. En fait deux squeezes par partie c'est peut-��tre d��j�� un de trop.
Le squeeze play est un peu le quadruple-axel du poker. En cas de chute c'est la catastrophe, en cas de succ��s c'est un stack et une confiance gonfl��s �� bloc qui vous permettront parfois de vous sortir de l'impasse avec strictement rien en main. Il fait appel �� des notions d'observations complexes et doit ��tre pr��par�� par une lecture parfaite de la s��lection de mains adverses. Quand on commence �� gagner les plus gros coups avec les moins bonnes mains, c'est que l'on a d��j�� fait un sacr�� bout de chemin sur la route du succ��s. Une chose est s?re, vous ne devez jamais en abuser : un squeeze ?a va, trois squeezes bonjour les d��gats !
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