Alec Torelli : de l'importance de savoir quitter une table
Alec Torelli est un joueur de poker professionnel qui compte 1.394.679$ de gains en tournoi �� son actif. Aujourd'hui, il nous parle des longues sessions de poker et de l'importance de savoir �� quel moment se lever.
Une histoire personnelle : La Session sans fin
Il ��tait dimanche apr��s-midi quand je me suis finalement lev�� de table. J'avais commenc�� �� jouer soixante-huit heures auparavant. Jamais je n'aurais pens�� pouvoir gagner plus de 1.000$ lors d'une seule et m��me session. Et jamais je n'aurais imagin�� qu'il ��tait possible d'��tre autant crev��. J'en ��tais arriv�� �� avoir des hallucinations. Impossible de continuer. Lorsque je suis sorti de la poker room, je me suis retourn�� une derni��re fois vers la table. Ils ��taient toujours en train de jouer.
Je m'��tais lanc�� dans un truc impossible �� faire. Battre un jeu qui ne peut pas ��tre battu. J'ai appris quelque chose ce jour-l��.
Vous pouvez gagner de l'argent au poker, mais vous ne pouvez pas battre le poker.
Gagner signifie simplement repartir avec plus d'argent que ce avec quoi vous ��tes arriv��. Battre le jeu impliquerait de d?rer plus longtemps que lui.
L�� o�� le poker diff��re d'un simple jeu vid��o, c'est qu'il ne s'arr��te jamais, il n'a pas de fin, pas de conclusion. Il est constant, ��ternel. Le matin suivant, lorsque je suis retourn�� jouer, les visages avaient chang�� mais le jeu ��tait toujours l��.
Le probl��me : savoir quand quitter la table
Quand faut-il partir ? Quand vous avez gagn�� de l'argent ? Quand vous en avez perdu ? Quand vous ��tes fatigu�� ? Quand le 'fish' s'est fait la malle ? Ou jamais ? En fonction des circonstances, la r��ponse peut ��tre n'importe laquelle de ces propositions. Tommy Angelo, l'auteur de l'excellent bouquin "The Element of Poker", le dit encore mieux : "Partir est facile. C'est quitter la table qui est dur".
La raison : Nous adorons jouer mais nous avons horreur de perdre
A chaque fois que je me l��ve de table, c'est �� contrecoeur. Admettons-le : le jeu est une drogue. Et si nous avons autant de mal �� nous lever de table, c'est parce que c'est admettre que nous n'avons plus la force de continer �� jouer. C'est encore plus difficile si nous sommes en train de perdre parce que cela implique de tirer un trait sur nos pertes. D'accepter la d��faite. L'��go en prend un coup et fait tout pour ��viter cette douleur passag��re, m��me si cela nous co?te encore plus d'argent au final.
Les options
Quand on gagne
Je quitte souvent la table quand je gagne mais, parfois, c'est m��me PARCEQUE je gagne que je prends mes affaires et que je m'en vais. Si l'argent que je risque est sup��rieur �� ce que je suis dispos�� �� perdre, c'est le signal du d��part. Je n'ai pas envie qu'une perte soudaine m'affecte, me mette de sale humeur, accro?sse m��me le risque que je me mette �� mal jouer demain. J'ai une "limite de gains", comme d'autres ont une" limite de pertes". Si cette limite est atteinte, c'est qu'il est temps de partir.
Quand on perd
C'est l'une des choses les plus difficiles �� faire. Le besoin de se refaire, en particulier si la partie est "juteuse", peut vous tenir ��veill�� pendant des heures, parfois m��me des jours. Malheureusement, c'est souvent dans ces moments de grande fatigue que l'on a tendance �� creuser sa propre tombe. Et bien profond.
Notre "limite de pertes" devrait se situer au niveau maximal au-del�� dequel il n'est plus possible de continuer �� perdre sans ��tre affect�� par tout cet argent envol��.
C'est une fois que l'on a franchi ce cap qu'on commence en g��n��ral �� d��railler. Imaginons que notre "limite de pertes' se situe pile �� trois caves. Dans une partie �� 10$/20$ dont le buy-in est de 5.000$, cela correspondrait donc �� 15.000$.
Limite de pertes
Dans ce sc��nario, il devient critique de savoir quitter la partie. Encore plus que lorsqu'on a beaucoup gagn��. Parce qu'une fois ce seuil franchi, ?a devient compliqu�� de discerner les pertes attribuables �� la malchance et celles qui nous incombent directement. Plus pr��cis��ment, il est plus difficile de rester assez disciplin�� pour bien jouer dans des petits pots. Et si on ne fait pas attention, les petits pots s'accumulent vite.
Mais il y a pire. Parfois, quand je perds un max, je me mets en pilote automatique et mon jeu devient tr��s pr��visible. C'est le moment o�� je me dis : "Ok, il est temps de resserrer mo jeu pour arr��ter l'h��morragie". Quand je suis dans cet ��tat, ce n'est pas que je joue mal mes grosses mains mais je perds des occasions de voler des pots. A cause de la peur, je cesse d'��tre agressif et je deviens passif.
Rappelez-vous bien que notre taux de gain ne vient pas seulement de notre 'edge' par rapport aux fishs mais aussi de ce qui nous s��pare des autres "regulars". Et plus on joue gros, plus cette marge se resserre. La plus petite d��viation par rapport �� notre A-Game peut alors faire toute la diff��rence entre perdre et gagner.
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Devenir blas��
Mon hypoth��se de d��part �� perdre nous conduit �� moins bien jouer. Moins bien jouer nous fait perdre de l'argent. Et donc c'est quand on perd qu'il faut faire preuve de l'auto-discipline la plus stricte.
Je ne demande qu'une chose aux sceptiques : acceptez l'id��e qu'�� d��faut de nous faire jouer moins bien, le fait de perdre ne fait rien pour am��liorer notre jeu.
Un autre argument pour se lever de table lorsqu'on perd est que notre perception de l'argent s'en trouve alt��r��e. Les petits pots se mettent �� ne plus avoir aucune importance �� nos yeux et des erreurs simples (opter ou pas pour un 'continuation bet' par exemple) finissent par nous co?ter une tonne d'argent. Dans les gros pots, on aura plus tendance �� prendre des risques dans des situations marginales. Essayez de rep��rer ces signes, ils doivent devenir le signal du d��part.
Pour illustrer pourquoi, je vais explorer les deux r��sultats suivants :
- R��sultat 1 : J'ai pris un risque pas tr��s raisonnable et j'ai gagn�� ! Du coup, au lieu d'��tre perdant de 15.000$, je ne suis plus dans le rouge que de 10.000$. Ca me met un tout petit peu de baume au coeur mais, l'un dan l'autre, je suis toujours en train de vivre une sale journ��e. Et il est peu probable que je retrouve d'un coup mon A-Game (une fois qu'il est parti, il revient rarement !). Ce gros pot gagn�� me permettra peut-��tre de me calmer suffisamment pour revenir �� mon B-Game, gu��re plus. C'est mieux que le C-Game de tout �� l'heure mais ce n'est quand m��me pas la Panac��e.
Demain est un nouveau jour. Nous devrions consid��rer notre carri��re enti��re comme une seule et m��me session de poker. Et au cours d'une seule et m��me session, le but du jeu est quand m��me de rester le plus longtemps possible au top de sa forme.
- R��sultat 2 : J'ai pris un risque pas tr��s raisonnable et j'ai perdu. Maintenant, je suis dedans de 20.000$ et je sens que je vais p��ter les plombs.
Je sais que si je recave, il va y avoir du sang sur les murs. Mais comme je ne me suis pas habitu�� �� avoir une disciplie de fer, j'y vais quand m��me. A -20.000$, comment voulez-vous avoir la concentration n��cessaire pour ��valuer s'il faut ou pas payer une relance pr��-flop �� 60$ ? Du coup, je perds encore des jetons pendant une vingtaine de minutes avant d'��tre capable de me calmer suffisamment pour prendre enfin la seule d��cision raisonnable : quitter les lieux. Sauf que maintenant, c'est 21.700$ que j'ai perdus, presque 100 big blinds de plus. Et je ne les ai pas sentis passer. Le pire, c'est que ce qu'on consid��rerait normalement comme le r��sultat d'une bonne journ��e de travail (80 big blinds) vient d'��tre dilapid�� en �� peine quelques orbites. Plut?t brutal, non ?
Il est temps de faire les comptes. Disons qu'un joueur professionnel dispute 250 sessions par an. Il s'attend �� ne perdre 3 caves qu'assez rarement, disons 30 fois dans l'ann��e. A chaque fois, il perd en moyenne 1.000$ de plus (50 BBs) qu'il n'aurait pas perdus s'il avait quitt�� la table �� temps.
A la fin de l'ann��e, ?a fait une perte nette de 30.000$. C'est le loyer annuel d'un joli appart' �� Vegas.
Ne pas perdre, c'est d��j�� gagner.
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