Bluff : comment ajuster la taille de ses mises ?
La semaine derni��re, nous avons vu qu��il ��tait parfois possible de mieux valoriser ses bonnes mains en misant ?trop?. L��id��e n��est pas de syst��matiquement se mettre �� tapis d��s qu��on a le meilleur jeu, ce qui serait beaucoup trop facile �� jouer pour nos adversaires, mais de profiter de conditions particuli��res (adversaire un peu trop large, historique, main assez peu visible) pour pousser au maximum notre gain.
En clair : s��il existe souvent une valeur ? standard ? de mise, cette valeur standard n��est pas forc��ment optimale dans les conditions de la main. Une infinit�� de variables sont �� prendre en compte qui peut changer radicalement les choses.
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Cette semaine, nous allons voir comment la hand range (l����ventail des mains possibles) qu��on donne �� notre adversaire peut changer notre montant de mise. Et pour cela, nous allons prendre un exemple tr��s simple : vous ��tes �� la rivi��re et votre tirage n��est pas rentr��. Tout ce que vous avez est une magnifique hauteur Neuf. D��s lors, il ne vous reste plus que deux choix possibles : check et abandonner le pot; ou miser pour essayer de le gagner.
Il n��y a pas de honte �� abandonner une main
Commen?ons par tuer une id��e re?ue : check n��est pas une action de jeu perdante. C��est juste une action neutre, qui rapporte ?0? : vous gagnerez 0 puisque vous ne gagnerez jamais la main mais vous perdrez aussi 0 vu que vous n��investissez pas un jeton de plus (ce que vous avez d��j�� mis dans le pot n��est plus �� vous; ne vivez pas dans le pass��, c��est mal).
Si vous d��cidez de bluffer, c��est que vous estimez qu��un bluff va vous rapporter plus que le check. Celui-ci ayant une esp��rance de 0, il faut, et il suffit, que le bluff gagne plus que 0 pour ��tre rentable (et, donc, envisageable). On ne d��cide pas de bluffer parce que c��est le seul moyen de gagner la main; si vous jouez au poker pour gagner des mains, vous ne jouerez pas bien longtemps. On d��cide de bluffer parce qu��on pense le bluff plus rentable que l��abandon.
Vous croiserez, en particulier en petites limites, des joueurs qui blufferont syst��matiquement alors m��me que le bluff n��a aucune chance de gagner plus que le check. Et d��autres qui ne le feront jamais alors m��me qu��ils sont face �� une belle opportunit��.
La v��rit�� est quelque part dans la zone grise entre les deux extr��mes.
Si vous pensez que votre adversaire a toujours un gros jeu pour vous avoir suivi jusqu���� la rivi��re, il est plus que probable que le bluff vous fera perdre de l��argent (et tant pis si, cette fois, il avait une des rares mains assez faibles pour qu��il la couche). Si vous pensez que la range de votre adversaire et large, avec beaucoup de main qu��il couchera assez facilement, alors, il est au contraire probablement absurde de ne pas envisager un bluff.
Bluffez seulement dans de bonnes conditions
Sans surprise, la r��ussite de votre bluff va d��pendre des conditions inverses de celles que vous recherchiez pour valoriser la meilleure main.
Mieux vaut bluffer un adversaire timide, qui va plus facilement coucher, qu��un joueur curieux ou collant (une ��vidence, h��las pas toujours respect��e);
Mieux vaut avoir une image tr��s solide que l��inverse. Plus vous avez montr�� une capacit�� �� bluffer et valoriser des mains m��diocres, moins votre bluff sera cr��dible. A l��inverse, si vous avez toujours montr�� des jeux ?respectables?, si vous avez souvent check�� des mains marginales, votre image renforce ��norm��ment les chances de bluffer avec succ��s;
Le tableau joue aussi un r?le majeur dans vos chances de bluff. Moins votre monstre ��tait visible, plus grandes ��taient les chances de pouvoir valoriser cher. Quand vous bluffez, vous avez tout int��r��t �� rechercher les tableaux inverses, qui augmentent les chances que vous ayez un ?monstre?. Il ne s��agit pas seulement de repr��senter ?une? main ��norme, mais, au contraire, de repr��senter de nombreuses mains fortes qui vont inciter votre adversaire �� jeter des mains moyennes. C��est un des points les plus oubli��s par les joueurs ? serr��s ? que vous entendrez souvent dire ?je l��ai jou��e comme xxxxx, j��ai toujours xxxxx ici?. C��est probablement vrai. Le probl��me est que, justement, ils ne peuvent avoir que ?xxxxx? dans cette situation. Et tout le reste, du coup, tombe dans la cat��gorie bluff. Ne demandez pas �� un adversaire de coucher sa main si vous-m��me n��en repr��sentez qu��une. Ou qu��un petit nombre de main, laissant donc la place �� beaucoup de possibilit��s de bluff.
Enfin, n��esp��rez jamais non plus faire coucher une main forte. Personne ne sait coucher un full (et ceux qui le font sont souvent trop timides). Il faut d��j�� des efforts surhumains (et certainement perdants) pour faire se coucher une couleur. On peut quasiment en dire autant d��une quinte ou d��un brelan. Et, pour beaucoup, coucher la meilleure paire rel��ve d��j�� de l��exploit.
Le but du bluff n��est pas de faire que notre adversaire se couche. Mais qu��il couche suffisamment de mains marginales pour que notre mise soit gagnante. En cons��quence, il faut que notre adversaire ait des mains marginales dans sa range. Des tirages rat��s, des petites paires ou seconde paire, des A-X qui se sont accroch��s un peu trop. Et plus cette portion faible repr��sentera une part importante de son range, plus nos chances seront grandes.
Reste �� savoir combien miser��
Nous sommes donc �� la rivi��re avec une main qui n��a aucune chance de gagner �� l��abattage. Le tableau est suffisamment dangereux pour repr��senter de nombreuses mains fortes. Notre image est ?respectable?; soit qu��on ne s��est pas encore fait attraper, soit qu��on a vraiment jou�� tr��s solide jusque l��. Et notre adversaire n��est pas une calling station, il est capable de raisonner (m��me un peu) et sait o�� se trouve le bouton ?Fold?. Il a certainement des mains fortes dans son range, mais aussi de nombreuses mains moyennes (juste une paire) ou faibles (petites paires, tirages AX, KX etc qui n��ont rien touch�� mais nous battent quand m��me). Les conditions sont donc remplies pour essayer de bluffer. Le pot fait 50bb et il nous reste 75bb chacun dans notre stack.
Tout le probl��me dans ce genre de calcul est de d��terminer le pourcentage du temps o�� notre adversaire paie et celui o�� il se couche. Autrement dit, quelle portion de sa range il va abandonner et quelle portion va lui sembler assez forte pour payer notre mise
Prenons le cas extr��me o�� nous d��cidons de faire tapis. Nous pensons qu��avec une mise aussi forte, notre adversaire va coucher 70% de ses mains et payer avec les 30% les plus fortes.
Notre ��quit�� sur ce shove est de :
0.70*50 - 0.30*75 = 35 �C 22.5 = 12.5
(on gagne les 50� du pot les 70% du temps o�� il se couche et on perd nos 75� mis��s les 30% o�� il paie).
Dans ces conditions, faire tapis est donc une d��cision positive. Et m��me tr��s positive !
Quel est le point d����quilibre ?
On risque 75� pour en gagner 50. Je vous ��pargne les maths (ou pas : 1-(50/50+75) eh eh), il faut que notre adversaire couche 60% du temps pour que faire tapis soit correct. Selon nos hypoth��ses de d��part (image, dangerosit�� du tableau, profil de l��adversaire) et la pression que met notre tapis, c��est un sc��nario tr��s probable.
Faire tapis en bluff ici est donc un meilleur choix que d��abandonner la main.
Mais peut-on faire mieux que faire tapis ?
Il est assez facile de repr��senter graphiquement le rapport entre notre mise et la fr��quence de call/fold de notre adversaire :
En simplifiant : plus vous allez miser cher, plus votre adversaire va coucher de mains. Toutefois, pass�� un certain point, augmenter le montant mis�� va avoir une influence faible (voire nulle) sur sa d��cision.
Essayons de voir ce qui se passe quand nous misons seulement la moiti�� du pot. Celui-ci fait toujours 50� et, plut?t que de miser les 75� de notre tapis, nous d��cidons d��y aller pour 30�. On s��attend ��videmment �� ce que notre adversaire paie plus souvent que lorsque nous faisons tapis. Disons que, cette fois, il va payer 45% du temps (ou relancer) et coucher les 55% de ses mains les plus faibles (une relance en bluff est quasiment impossible vu les masses financi��res). En contrepartie, notre investissement (notre risque) est aussi beaucoup plus faible. Notre ��quit�� devient : 0.55*50 - 0.45*30 = 27.5 �C 13.5 = 14
Miser la moiti�� du pot, dans ces conditions, est toujours une d��cision gagnante. M��me si notre adversaire nous paie quasiment une fois sur deux, on gagne plus ainsi qu��en abandonnant la main. Mieux encore, on gagne encore plus avec cette mise �� moiti�� du pot qu��avec un shove.
On ne bluff pas pour gagner la main, on bluff pour gagner de l��argent
Dans cet exemple, notre adversaire va payer avec ses 30% de mains les plus fortes quoi qu��on mise. Sur ces 30% de mains fortes, on perdra toujours de l��argent, quoi qu��on fasse (sauf checker, ��videmment). C��est donc sur le reste des mains que peut avoir notre adversaire que va se faire notre profit.
On mise en bluff parce que notre bluff a une esp��rance de gain positive selon la fr��quence de call/fold qu��on estime chez notre adversaire. Et on doit chercher �� miser le montant qui va optimiser nos gains/pertes sur la portion de cette range qui va ?hero call? ou, surtout, tout de m��me se coucher.
Contrairement �� une id��e re?ue, on gagne ici plus d��argent quand notre adversaire nous paie un peu plus large. Si miser 30� fait coucher 55% des mains de notre adversaire, c��est un choix plus rentable que de miser 75� pour faire coucher 70% de ses mains.
Je pourrais d��tailler la formule permettant de d��terminer jusqu���� quel point on a int��r��t �� ouvrir sa range de call mais ?a ne serait pas tr��s int��ressant. L��important est de bien comprendre l��id��e selon laquelle notre fr��quence de bluff et le montant de notre bluff sont �� d��terminer en fonction de l����quit�� probable.
Cette ��quit�� va augmenter selon le montant mis�� (si on mise tr��s faiblement, genre 10�, et qu��on est pay�� 80% du temps, notre ��quit�� est de .2*50-.8*10 = 10-8 = 2�� toujours mieux que l��abandon). Jusqu���� un point d����quilibre o�� tout ce que nous risquerons en plus ne sera pas r��compens�� par assez d��abandons chez notre adversaire pour en valoir la peine.
La notion de risk/reward (risque/r��compense) est plus courante chez les joueurs de tournois que chez les joueurs de cash game (en tout cas dans les discussions, elle est ��videmment omnipr��sente dans la prise de d��cision des bons joueurs de n��importe quelle variante). Mais cet exemple la d��montre assez bien : notre bluff est meilleur quand on risque seulement 30� m��me s��il ?passera? moins souvent qu��en risquant 75�.
Encore une fois, le but n��est pas de gagner la main mais de prendre la d��cision offrant la meilleure ��quit��. L��effort n��cessaire (le risk) pour que vilain se couche 15% plus souvent n��est pas rentable, il vaut mieux pour nous qu��il nous paie quasiment une fois sur deux.
Et je vous laisse m��diter sur le fait qu��un bluff qui marche 55% du temps peut ��tre meilleur qu��un bluff qui marche 70% du temps�� ;-)