Kipik Poker : jouer As-Dame avec un tapis peu profond (tournoi)
Changement de format pour la chronique de cette semaine, ��crite les pieds dans l��eau d��une des plus belles plages du monde. Vous m��excuserez donc de faire un peu plus simple que d��habitude ;)
Il s��agit d��une situation de tournoi assez classique, du genre qu��on va rencontrer tr��s r��guli��rement, et sur laquelle beaucoup d��erreurs sont commises. Et des erreurs qui peuvent vite co?ter une sortie anticip��e l�� o�� rien ne l��oblige.
La situation
Vous avez 30-35 blindes (bb) et recevez A?Q? au Bouton (BU). On est encore en d��but de tournoi et les ante n��ont toujours pas fait leur apparition.
Sans autre information, c��est une main que vous avez envie de jouer. Si personne n��a ouvert le pot avant vous, c��est m��me une relance automatique avec une main nettement meilleure que ce qu��on peut attendre d��un joueur au Bouton. De m��me, si un joueur agressif ouvre avant vous, c��est une main avec laquelle vous pourriez l��gitimement envisager de surelancer. Ou avec laquelle faire tapis si un joueur agressif dans les blinds d��cidait de vous surelancer.
H��las pour vous, ce n��est pas un joueur agressif qui ouvre avant vous. Mais un joueur serr�� et solide, qui vous couvre (il a un plus gros tapis que le votre).
Premier cas : adversaire en milieu de parole
AQo devient alors une main tr��s d��licate �� manier. �� ce niveau d��un tournoi, o�� les ante n��ont pas encore fait leur apparition et o�� les tapis oscillent pour la plupart entre 25 et 50bb, beaucoup de joueurs ont tendance �� ne pas relancer en milieu de parole sans une bonne (et solide) raison. Un joueur serr�� qui relance en fin de parole peut ouvrir sa range de relance (ses mains possibles). Mais, en milieu de parole, il ne le fera en g��n��ral qu��avec une main l��gitime. C��est typiquement le moment d��un tournoi o�� personne n��a envie de s��envoyer en l��air sur une main bancale ou dangereuse alors qu��il est tr��s facile, et rentable, d��attendre une situation favorable ou l��arriv��e des ante qui va rendre le jeu nettement plus agressif.
Et cela suffit plus que largement �� revoir le potentiel de notre AQo �� la baisse.
Certes, la range d��ouverture de notre adversaire comprend de nombreuses paires (moyennes et petites) contre lesquelles on joue un coinflip. Et la plupart d��entre elles devraient se coucher si on d��cidait de surelancer. Mais c��est aussi le cas de toutes les mains qu��on domine, comme KQ, AJ, QJs��
A l��inverse, notre position favorable (on parle apr��s notre adversaire, en position donc) joue cette fois contre nous puisqu��elle incite le relanceur initial �� jouer rapidement ses bonnes mains, vouloir pi��ger hors position ��tant extr��mement d��licat (et franchement pas recommand��). Si on surelance et que notre adversaire d��cide de faire tapis en r��ponse, il va nous falloir abandonner le pot car on jouera tr��s probablement contre un ��ventail de mains qui nous domine : grosses paires et AK pour l��essentiel. Surelancer avec l��id��e de se coucher quand l��adversaire nous revient dessus n��est jamais une tr��s bonne id��e, c��est clairement un mauvais plan quand on dispose de seulement une trentaine de bb.
Avec un tapis plus petit, on pourrait facilement prendre ce risque. Surtout si des ante ��taient en jeu. Ici, avec une trentaine de blindes, sans ante, s��investir assez lourdement (20-25% de notre stack) pour gagner un petit pot quand il couche la portion basse de sa range, ou devoir abandonner ou faire un mauvais call pour notre stack quand on trouve de l��action n��a pas vraiment d��int��r��t.
Surelancer dans cette situation revient en r��alit�� �� transformer notre AQ en bluff (ou �� relancer pour information, ce qui revient au final au m��me). Face �� un adversaire serr��, qui ouvre �� ce moment du tournoi en milieu de parole, la rentabilit�� de notre bluff, et ces chances de succ��s, sont clairement d��favorables.
En fait, coucher notre main, rien que pour cette simple relance de notre adversaire, est tout �� fait envisageable. Le risque de se retrouver domin�� par AK ou de jouer contre une grosse paire est tr��s ��lev��. Et m��me si on se retrouve �� jouer un coinflip, coucher AQo reste correct si on peut mettre notre adversaire sur une range serr��e.
Reste la solution de payer en position. Souvent d��cri��e, elle offre pourtant de nombreux avantages dans ce cas de figure. Un call ici co?te environ 10% de notre stack, ce qui reste acceptable pour aller jouer une main plus que correcte en position. Avec un tapis plus faible, ce serait une tr��s mauvaise id��e et il faudrait se r��soudre �� jouer notre main pr��flop, soit en la couchant, soit en surelan?ant. Avec une trentaine de blindes, c��est une option envisageable.
Payer pour jouer en position va aussi nous permettre de garder le pot petit et manipulable, sans pour autant nous surinvestir (ce qu��en jargon pokeristique on appelle ��tre? commited ?, ��tre trop investi dans une main pour pouvoir l��abandonner). Il sera possible d��abandonner notre main sans regret sur un mauvais flop, ou m��me de payer une mise de continuation au flop pour r����valuer la situation au turn. Voire de tenter un petit bluff au flop si notre adversaire d��cide de checker, ce qui arrivera de temps en temps. Avantage annexe, on limite aussi la possibilit�� pour notre adversaire de nous bluffer en faisant tapis avec des mains qu��on domine (en bluff, donc, de sa part) ou sur lesquelles on joue un coinflip (88-JJ)
Ce genre de situation est vraiment typique du poker de tournoi o�� la profondeur relativement faible de notre tapis, et l��impossibilit�� de racheter des jetons, oblige �� des compromis pas toujours heureux mais n��cessaires.
Ici, en payant, on va donner �� notre adversaire du cr��dit pour une bonne main tout en acceptant que la notre dispose tout de m��me d��une ��quit�� (sa valeur) correcte mais probablement insuffisante pour jouer un gros pot pr��flop. Si notre main est suffisante pour aller jouer postflop en position, elle ne l��est par contre pas pour payer un possible tapis de notre adversaire. La m��me prudence vaudra aussi postflop. Si le flop vient AXX ou QXX, il sera illusoire le plus souvent de vouloir s��accrocher �� notre top pair si on trouve de l��action. On devra certes payer une mise de continuation mais, si notre adversaire d��cide de miser flop et turn, il faudra accepter qu��on se retrouve probablement dans une situation domin��e et couper court �� nos pertes.
Cas n��2 : Vilain relance en d��but de parole
Plus la relance viendra des premi��res positions, plus il faudra envisager la main sous l��angle de la prudence. Il existe certes des joueurs sp��cialis��s dans la relance en d��but de parole avec des ranges tr��s larges. Mais, faute de cette information, il convient surtout de consid��rer que notre adversaire relance une main d��autant plus l��gitime qu��il est mal plac��. La plupart des joueurs ne relancent m��me pas leurs petites paires en premier de parole dans ce genre de situation. Et beaucoup n��h��sitent pas trop avant de coucher leurs AJ et KQ �� ce niveau d��un tournoi.
La range de notre adversaire va donc se recentrer sur des mains comme paire de 10 et mieux et AK (plus AQ mais certains joueurs serr��s seront d��j�� enclins �� coucher AQ en d��but de parole). Une situation dans laquelle AQ joue particuli��rement mal et qu��on a aucun int��r��t �� rechercher.
Tant pis pour notre AQ qui nous semblait si beau au d��part, les donn��es du probl��me (joueur serr�� relan?ant en d��but de parole) en ont fait une main �� peine meilleure que A8. Autant ne m��me pas investir les 2.5 ou 3 bb de la relance et passer �� la main suivante.
Cas n��3 : Vilain relance en fin de parole
M��me pour un joueur serr��, la range de relance en fin de parole s����largit assez pour que notre AQ se retrouve �� jouer une situation favorable. AJ et AT sont clairement dans la range de notre adversaire, de m��me que beaucoup de plus petits As assortis, de petites paires et quasiment toutes les broadways (les mains qui permettent de faire la quinte TJQKA, comme KQ, QTs ou JT). Notre AQo reprend donc de la vigueur et peu envisager d����tre jou�� plus agressivement.
Attention tout de m��me au cas o�� notre adversaire n��a jamais relanc�� jusque l�� en position. Certains joueurs tr��s serr��s ne cherchent absolument pas �� ouvrir leur jeu en position, en tout cas �� ce moment d��un tournoi. Dans ce cas, consid��rez sa relance au Cutoff comme si elle venait en milieu de parole et jouez postflop avec la plus grande prudence !
Contre un joueur agressif, tr��s fortement susceptible de juste vouloir voler les blindes, on pourrait facilement pr��f��rer surelancer. Face �� une range de vol tr��s large, qui comprendrait beaucoup de connecteur et de mauvais As, se contenter de payer pour jouer le pot en position ne serait pas forc��ment dans notre int��r��t. Sa main sera difficile �� cerner et, si on trouve de l��action avec une paire, ce sera le plus souvent contre une main bien d��guis��e qui aura nettement mieux am��lior��. Ce genre de joueur sera aussi plus enclin �� nous payer avec sa main m��diocre pour voir le flop qu���� nous relancer �� tapis en r��ponse. Et m��me si c��est le cas, sa range pour faire tapis ne sera pas la m��me que celle d��un joueur serr��, rendant le call avec AQ nettement plus envisageable et rentable.
Mais, contre un adversaire serr��, la situation ne va finalement pas changer beaucoup par rapport �� une relance en milieu de parole. S��il fait tapis en r��ponse, ce sera tr��s rarement avec des mains comme AJ, KQ ou de petites paires. Mais, encore une fois, plus g��n��ralement avec une range qui n��est absolument pas bonne pour notre main.
Or, c��est justement sur des mains comme AJ ou KQ que notre AQ fera l��essentiel de ses b��n��fices. Une situation qui se pr��sentera assez rarement contre un joueur serr��, sauf, justement, quand celui-ci peut commencer �� ouvrir sa range pour relancer en fin de parole.
Au final, juste payer la relance pour jouer le flop en position sera encore ici souvent la meilleure solution. L��important est de bien comprendre que, pour autant, on le fait cette fois-ci avec un plan tr��s diff��rent de lorsque je recommandais de payer en position contre une relance en milieu de parole.
Quand le pot est ouvert par un joueur serr�� en milieu de parole, payer nous permet surtout d����viter au maximum les situations o�� notre main sera domin��e ou en mauvaise posture. En gros, notre main jouera le plus souvent au mieux un coinflip, et souvent de tr��s mauvaises situations. Or, m��me ce coinflip, vu nos 30bb, n��est pas vraiment une option tr��s r��jouissante.
Dans le cas o�� notre adversaire est en fin de parole, se contenter de payer au Bouton va certes nous permettre de toujours limiter la casse en cas de mauvaise rencontre. Mais cela va surtout nous permettre d��optimiser la valeur de notre main, qu��on d��guise en payant simplement, en conservant la hand range la plus large possible chez notre adversaire. Relancer et trouver du r��pondant nous obligerait �� jouer contre une range quasiment aussi forte que si Vilain ��tait en milieu de parole. Payer pour jouer en position va nous permettre de profiter de l��ouverture du jeu adversaire.
Jouer un tapis d��une trentaine de bb n��est pas le simple du jeu en d��but-milieu de tournoi. �� la fois trop profond pour prendre le risque d��un gros gamble pr��flop, et en m��me temps trop petit pour jouer r��ellement un jeu de cash game, il convient d����tre extr��mement prudent�� en particulier avec des mains comme AQ qui peuvent facilement se retrouver domin��es et seront g��n��ralement en tr��s mauvaise posture si un adversaire disposant lui aussi d��un tapis d��cent d��cide de nous tester en r��ponse pour la totalit�� de notre stack.
J��ai beaucoup valoris�� le jeu agressif lors de mes pr��c��dentes chroniques. Mais il faut bien comprendre que, s��il existe des phases d��un tournoi o�� une approche agressive sera clairement pr��f��rable, il en existe aussi d��autres o�� une approche plus prudente se r��v��lera nettement plus avantageuse. Le genre de situations d��crites dans cette rubrique en fait partie, o�� tout, notre tapis, notre main et le style de notre adversaire, en fait partie. Je crois pourtant ne pas avoir jou�� un seul tournoi sans voir un joueur surjouer son AQ (on pourrait dire la m��me chose de paires moyennes comme 88-JJ) dans ce genre de situation, �� un moment o�� la dynamique du tournoi ne le justifie pas.
Pour l��anecdote, le r��sultat de ces trois situations rencontr��es r��cemment (il ne s��agit pas de valider mes analyses selon r��sultat mais bien de montrer comment, avec une approche prudente de ces mains, il a ��t�� possible de tirer le meilleur parti contre des mains dans la range suppos��e de notre adversaire):
1/ Vilain UTG+1 avait KK (�� tapis contre AQ de BB)
2/ Vilain en MP avait AK, perdu le minimum sur un flop AT9 bicolore, Vilain ayant pr��f��r�� checker deux fois apr��s qu��un J assorti soit tomb�� au turn
3/ Vilain au Cutoff avait KQ et n��a pas su lacher sur un flop QXX
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