Chronique Kipik Poker : le co?t strat��gique du buy-in
Histoire de faire un petit break d'une semaine dans tous ces calculs de fold equity, il y a une chose dont je voulais parler : l'importance du Buy-In.
On lit souvent des remarques du style ? peu importe le buy-in, une d��cision est correcte ou pas ?. S'il s'agit d'une remarque pleine de bon sens, et conforme �� la th��orie du jeu, c'est toutefois relativement incorrect.
Oui, on doit jouer de fa?on similaire sur un tournoi �� $5, $200 ou 10.000�. En tout cas, l'argent en jeu ne doit pas avoir d'influence sur la prise de d��cision. Dans le cas contraire, c'est que vous jouez avec une bankroll inadapt��e : vous avez d��j�� commis la pire erreur possible au poker. Quelle que soit la fa?on dont vous allez d��vier du jeu optimal, vous ne compenserez pas cette erreur. Jamais.
Bankroll management et MTT : visez large. Tr��s large.
Le premier devoir du joueur est de s'assurer qu'il ��volue �� des limites o�� le r��sultat de ses actes n'aura pas de cons��quences financi��res. ?a peut sembler ��tre un lieu commun qu'on a tous lu, encore et encore, partout. Et, pourtant, malgr�� tout, on sort tous, t?t ou tard, du sentier balis�� cens�� nous ��viter la banqueroute.
Jouer parfois en dehors de ses limites n'a en soi rien de dramatique. Je pense m��me qu'il faut se l'autoriser de temps en temps. Que ce soit en r��compense pour le bon jeu d��velopp�� les jours/semaines pass��es. Ou pour se tester. Au final, c'est toujours une bonne exp��rience que de mettre �� l'occasion le pied sur la marche sup��rieure.
Mais cela devient un probl��me quand l'occasionnel se fait r��gulier. Si vous jouez des tournois �� $22 et, ne serait-ce que le Sunday Million toutes les semaines, vous vous mettez d��j�� en danger.
Mais, en fait, la plupart des joueurs jouent bien au-del�� de ce que devraient ��tre leurs limites. M��me ceux qui font relativement attention. La faute en incombe �� certaines id��es re?ues qui, �� force d'��tre r��p��t��es, on finit par s'instaurer en r��gles.
Autant tordre tout de suite le cou de la pire: la fameuse ? il faut 100 buy-in ?. Si vous jouez en live, cette r��gle est probablement tr��s correcte. Si vous jouez des tournois �� petits fields sur Internet, ?a ne devrait pas non plus poser de probl��mes. Mais si vous jouez ne serait-ce que sur des tournois �� 180 joueurs, 100 buy-ins est d��j�� trop peu. Et si vous ��tes habitu�� aux fields monstrueux de 1.000, 3.000 ou 8.000 joueurs qu'on trouve sur les sites les plus fr��quent��s, avoir 100 buy-ins ne permet plus en aucun cas d'absorber la terrible variance de ces marathons.
A mon avis, pour tous les tournois qui d��passent les 1.000 joueurs, vous devriez plut?t pouvoir aligner 200 buy-ins. Si vous jouez des champs de mines �� plus de 3.000 joueurs, montez encore d'un cran et tablez sur 250-300. La variance des tournois �� gros fields est clairement sous-estim��e alors que, ou peut-��tre parce que, il n'existe rien de comparable ailleurs. Plus le nombre de joueurs ayant quelques milliers de tournois �� leur actif augmente, plus cela devient une ��vidence.
Pr��cisons aussi que ce genre de calcul vaut seulement si vous ��tes un joueur gagnant : si vous ��tes perdant, et jouez pour le seul plaisir, faites-vous plaisir !
Le co?t du tournoi influe sur sa dynamique
Partons donc du principe que vous avez la bankroll n��cessaire pour jouer un tournoi donn��. Dans le cas contraire, vous vous ��tes mis dans une situation o�� vous ne pourrez pas prendre, en permanence, la d��cision optimale. Inutile dans ce cas de lancer de grands d��bats strat��giques puisque vous l'avez fauss�� d��s le d��part : tous les moves avanc��s s'appuient sur le long terme qui n'existe que si vous avez les moyens d'encaisser la variance.
Dans ces conditions, �� situation ��gale, r��ponse ��gale. Ce qui est bon, strat��giquement, dans un tournoi �� 2500� l'est aussi dans un autre �� $1.10. La th��orie du jeu ne change pas.
Ce qui change, par contre, c'est la dynamique du tournoi.
Imaginons que vous vous retrouviez devant un choix qui soit probablement l��g��rement positif. Mais de tr��s peu (une situation marginale). Si vous affrontez une table tr��s difficile, vous pourriez avoir int��r��t �� prendre plus de risques. Alors que, si votre table est particuli��rement facile, prendre un risque peut se r��v��ler ��tre un tr��s mauvais calcul. Dans le premier cas, vous n'aurez pas souvent de situations vraiment favorables. Pas assez pour laisser passer une situation qui soit marginalement positive. Dans le second, les chances de trouver de nombreuses occasions favorables sont nombreuses. Et une approche plus conservatrice sur les situations �� faible esp��rance peut se r��v��ler rentable �� long terme.
L'influence du buy-in sur le jeu shortstack
Un exemple extr��me qui peut se v��rifier assez vite : comment les joueurs r��agissent quand vous avez un tapis extr��mement faible. Disons 4 blindes. Strat��giquement, vous ��tes tellement ? pauvre ?, que vous devriez envoyer votre tapis avec quasiment n'importe quelle main ? acceptable ?. Ou m��me n'importe quelle main si vous ��tes dans les derniers �� parler avant le flop. Dans ce genre de situation, o�� le joueur de Surblinde (BB) obtient une cote d'environ 2:1 pour vous payer, il est cens�� le faire avec quasiment n'importe quelle main lui aussi. Nous avons assez vu les math��matiques derri��re cette logique pour ne pas en rajouter une couche.
Si vous jouez des tournois �� faible buy-in, vous avez pourtant certainement d��j�� pu constater que cette logique n'est absolument pas respect��e. ��norm��ment de joueurs qui n'ont plus qu'une illusion de tapis continuent �� attendre pour mettre au milieu leur maigre capital. Et le joueur de BB va bien plus souvent qu'il ne devrait renoncer �� prendre ses responsabilit��s.
Montez un peu dans les buy-ins et ce genre d'erreurs va presque totalement dispara?tre (en tout cas sur Internet).
A l'inverse, sur des buy-ins faibles, on va nettement plus souvent se retrouver face �� de mauvais calls pour des tapis plus ��lev��s.
Il s'agit toutefois de la m��me erreur, qui est que, face �� des adversaires plus faibles (ce qui sera g��n��ralement le cas sur des buy-ins plus faibles), on joue en r��alit�� face �� des joueurs qui n'ont pas une connaissance correcte, ou m��me minimale, des hand ranges et des cotes. De la th��orie du jeu. Ils sont plus enclins �� baser leur r��flexion sur leurs cartes que sur la situation.
Jouez sur des buy-ins plus ��lev��s, et vous verrez, par exemple, nettement moins de joueurs relancer en fin de parole et se coucher sur une surelance �� tapis avec une cote d��cente (2 :1 environ). Et, plus g��n��ralement, rarement relancer et se coucher avec des tapis d'environ 20bb. On fait alors face �� des joueurs qui, m��me s'ils ne sont pas tous d'un tr��s haut niveau, ma?trisent en g��n��ral, ne serait-ce qu'approximativement, les notions de ranges, de cotes, et ont au moins quelques notions strat��giques.
Au final, on peut donc moins esp��rer, au fur et �� mesure qu'on monte dans les buy-ins, trouver des adversaires capables de commettre de grosses erreurs. Et surtout pas dans la zone assez bien balis��e en-dessous de 20bb.
A buy-in diff��rent, strat��gie diff��rente
Une cons��quence majeure sur la strat��gie �� adopter pour les tournois �� faibles buy-ins est qu'on va pouvoir plus facilement, et plus longtemps, s'appuyer sur un jeu shortstack que sur des buy-ins plus ��lev��s.
Si on vous paie insuffisamment quand vous avez 8bb ou moins, vous pouvez attendre un peu plus longtemps avant de vous consid��rer vraiment en danger. Vous pouvez ��galement ��tre plus s��lectif sur les mains avec lesquelles faire tapis.
Si les joueurs sont plus aptes �� raise-fold alors que leur tapis ne le permet pas, vous pouvez aussi attendre un peu avant de passer en mode resteal (contre-vol). Et le faire, par exemple, quand vous avez entre 12 et 15bb, plut?t qu'entre 18 et 22.
Si vos adversaires ne sont pas capables de resteal sans une main vraiment forte, vous pouvez continuer �� essayer de voler un peu plus longtemps. M��me si cela implique de vous coucher sur une surelance alors que, math��matiquement, vous commettez une erreur grossi��re.
En r��sum�� : plus le buy-in sera ��lev�� (je parle toujours online, ici), moins vos adversaires seront enclins �� commettre des erreurs strat��giques majeures. Et plus vous devrez anticiper la prise de risque. Jouer un temps en avance.
A l'inverse, sur des buy-ins faibles, o�� les erreurs strat��giques sont nettement plus nombreuses, vos prises de risques peuvent sans probl��me se faire avec un temps de retard.
Exploitable vs. inexploitable
Une autre fa?on de voir les choses, de comprendre cette dynamique, est de penser �� son tapis en terme de temps. Le fameux ? M ? popularis�� par Harrington. M��me si je ne suis pas un grand fan de cette fa?on de jauger son ��tat de sant��, qui me semble souvent aboutir �� un jeu un peu trop passif, elle a le m��rite de permettre une conversion facile jetons-temps-possibilit��s. Et de s'approcher d'un jeu optimal, difficilement exploitable.
H��las, plus le buy-in sera ��lev��, plus vos adversaires auront une bonne compr��hension de cette dynamique. Et moins il sera donc possible de les exploiter. A un certain niveau, ? tout le monde ? (ce n'est ��videmment pas le cas, mais ?a l'est pour la majorit��) est capable de jouer de fa?on optimale quand les tapis commencent �� perdre en profondeur. L'edge (l'avantage qu'un joueur a sur ses adversaires) se r��duit dramatiquement. Il devient donc primordial d'agir en avance pour ne pas se retrouver dans une situation o�� l'erreur adverse est improbable.
Descendons de buy-in et les erreurs vont se multiplier : ranges de push/fold/call de plus en plus approximatives, surelances dict��es par les cartes et pas par le tapis, relances sans profondeur�� Plus on descend, plus le jeu devient exploitable. Et moins on a soi-m��me besoin d'��tre inexploitable. Nos adversaires commettant plus d'erreurs, et des plus lourdes, il est moins p��nalisant de ne pas choisir la ligne optimale et de commettre soi-m��me de l��g��res erreurs.
Peu importe de devenir exploitable si nos adversaires ne sont pas assez bons pour s'adapter et nous exploiter.
Juste une petite note pour signaler que, si je m'appuie dans cet article sur le jeu �� tapis faible (moins de 25bb), des diff��rences plus grandes encore existent quand les tapis sont profonds. Coucher ? top pair top kicker ? sur un $4.40 180 joueurs sera souvent une erreur, m��me contre deux adversaires �� tapis. Sur un plus gros buy-in, mettre son tournoi en jeu dans la m��me situation avec une overpair sera g��n��ralement le chemin le plus direct vers la sortie��
Les erreurs de nos adversaires valorisent le temps dont on dispose.
Si le M est une mesure du temps dont on dispose, ce temps ne passe pas aussi vite sur tous les buy-ins.
Plus nos adversaires sont susceptibles de commettre des erreurs, plus ce temps est dilat��, plus il joue en votre faveur. A l'inverse, plus le niveau adverse est relev��, plus ce temps se contracte et moins il sera possible de se reposer dessus pour trouver une bonne situation.
Dans le premier cas, on peut se permettre de sacrifier quelques situations avec une ��quit�� marginalement positive sur la certitude de trouver des situations tr��s favorables t?t ou tard. Dans le second, la faible probabilit�� d'une situation extr��mement positive contraint �� ne pas se reposer sur l'espoir que cela arrive mais, au contraire, �� anticiper. A se mettre plus t?t hors de port��e de la zone ? d'incertitude ?. Quitte �� accepter plus rapidement une situation marginale.
Le M Harringtonien est un bon point de d��part pour un nouveau joueur de tournoi. Il permet d'assez bien prendre conscience des possibilit��s qu'offre son tapis, de s'initier au stack management. Mais le jeu sur Internet a ��norm��ment gagn�� en agressivit��, et �� toutes les limites. Et la notion de ? temps disponible ?, qui a d��j�� tendance �� rendre les joueurs un peu passifs, est trop souvent trompeur. Ce temps n'est pas identique selon les buy-ins, selon le niveau moyen de nos adversaires. Ou, pour ��tre plus pr��cis, il n'a pas toujours la m��me valeur. N'est pas syst��matiquement exploitable de la m��me fa?on, avec la m��me esp��rance de profit.
La th��orie ne change pas, seules les variables changent
Pour autant, cela ne va pas �� l'encontre de la th��orie du jeu. Ces diff��rences se r��percutent sur les hand ranges qu'on va donner �� ses adversaires. Et sur la fold equity qu'on peut esp��rer. Ces deux facteurs vont simplement nous ��tre de moins en moins favorables au fur et �� mesure qu'on monte en buy-in, for?ant donc �� prendre les devants pour chercher �� exploiter des zones o�� nos adversaires peuvent mal s'adapter (ne pas descendre sous les 20bb, par exemple, mais chercher �� resteal �� 25bb et plus).
Dans chacun de mes articles pr��c��dents, je me suis attach�� �� trouver des situations o�� le b��n��fice reste marginal. L'id��e ��tant de donner conscience de ce qu'il est possible de faire. A vous, ensuite, d'adapter selon le buy-in o�� vous ��voluez. D'ajuster les ranges et la fold equity en fonction de ce que vous connaissez de cet environnement. Les joueurs de $11 ne jouent pas comme ceux d'un $109. Non pas que tous les joueurs de $109 soient meilleurs que tous ceux d'un $11. Mais leurs ranges seront diff��rentes. Et la fold equity sur laquelle vous pouvez compter va aller en fonction.
Une fois �� la table, vous seul pouvez prendre les d��cisions qui vous semblent correctes. Mais essayez de garder en t��te que le niveau global de l'adversit��, qui est pour beaucoup d��pendant du buy-in du tournoi, doit aussi vous influencer dans la prise de d��cision. Plus le niveau moyen sera ��lev��, moins il sera possible, et rentable, de remettre �� plus tard une prise de risque. Certains choix, qui seraient trop marginaux pour valoir le risque sur certains tournois, peuvent devenir obligatoires sur d'autres.
Ceci dit, n'allez pas non plus trop loin dans le refus de situations marginales sous pr��texte qu'il s'agit d'un ? petit ? tournoi. Je regardais hier soir jouer un habitu�� du forum sur un faible buy-in. Et j'ai ��t�� frapp�� du manque d'audace dont il faisait preuve sur des situations qui me semblaient clairement favorables. Risqu��es, certes. Mais rentables. A ce niveau, on peut certainement se permettre d'attendre. Mais il n'existe aucun buy-in, aussi faible soit-il, o�� l'on peut se permettre de trop attendre.
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