Checker, miser : prenez les devants, prot��gez vos arri��res (Kipik)
Le pr��dateur n��est pas l��animal surpris. Il am��liore ses performances en cr��ant la surprise. Il vit sur la surprise des autres. Sur ses checks et surtout ses mises, le joueur de poker doit agir comme le pr��dateur. Voici quelques consid��rations �� ce sujet.
Lors d��une r��cente partie live, en Cercle, je me suis amus�� �� un petit exercice : regarder les joueurs regarder. Que regardent-ils pendant un coup ? Et comment ?
J��ai ��t�� assez surpris de constater que personne ne regardait l�� o�� il fallait. Ni comme il fallait. Impliqu�� ou non dans la main, c��est comme si chacun ��tait �� un spectacle dont il ne fallait pas rater une miette.
La prochaine fois que vous jouez en live, je vous invite �� faire ce petit exercice. Vous verrez les visages se tourner �� l��unisson pour regarder le joueur qui doit agir. Avec dans le regard cette petite exaltation qui rappelle un spectateur devant Columbo se demandant comment le nabot en imper crasseux finirait par coincer un coupable connu de tous. Aucun suspens. Aucun doute quand �� la fin de l��histoire. Mais on regarde quand m��me avec un int��r��t totalement injustifi�� en se demandant bien ce qu��il va pouvoir faire.
Les joueurs en live ont exactement la m��me attitude. Ils observent le joueur qui est en train de d��cider que faire. Ils attendent avec impatience et int��r��t sa d��cision.
Alors que, finalement, fondamentalement, tout le monde s��en fout !
M��me si vous ��tes impliqu�� dans le coup, et surtout si vous l����tes, ce n��est probablement pas ce qui devrait ��tre au centre de vos int��r��ts. Si l��action n��a pas ��t�� ouverte, il va checker ou miser. Si c��est ouvert, il va passer, payer ou relancer. C��est tout le suspens possible. Et une fois qu��il l��aura fait, vous en saurez autant sur ses intentions.
Si vous jouez en live, votre regard ne doit pas se porter vers la droite et le joueur qui doit agir. Mais vers la gauche et les joueurs qui agiront apr��s vous. Comment se tiennent-ils ? Comment regardent-ils le joueur qui est en train d��agir ? Que semblent-ils esp��rer ?
Quand ce sera votre tour de jouer, vous saurez ce qu��a fait le joueur qui parlait avant vous. Tant pis pour le suspens. L��avoir regard�� pendant qu��il d��cidait de la ligne �� suivre n��a pas grand int��r��t. Avoir observ�� le joueur qui parlera apr��s vous, savoir comment il a r��agi �� l��apparition des cartes, �� l��action du joueur pr��c��dent, sont des informations bien plus int��ressantes pour d��cider, �� votre tour, de l��action �� suivre.
Jouer en cale?on ne vous emp��che pas de commettre la m��me erreur��
Evidemment, si vous jouez seulement, ou essentiellement, sur Internet, ce genre de conseil vous fait une belle jambe. Apr��s tout, online, nos adversaires sont des joueurs ? parfaits ?. Ils ne parlent jamais avant leur tour. Ils n��ont jamais la main qui se dirige instinctivement vers leurs jetons. Et vous n��en verrez jamais aucun se redresser tout �� coup dans son si��ge quand une carte rentrant une possible quinte tombe au tournant��
Il n��existe quasiment aucun ?tell? physique quand on joue sur Internet. Certes, le temps mis �� r��agir est parfois r��v��lateur. Mais avec la multiplication des joueurs jouant en simultan�� six tables ou plus, ce genre d��information est toujours �� prendre avec des pincettes. Il n��existe, en fait, aucun moyen de savoir comment r��agira le joueur derri��re nous (pour autant, il n��y a toujours pas, le plus souvent, d��int��r��t �� ?observer? ce que fait le joueur avant nous).
Mise et check : les sc��narios �� envisager
Reste que, si vous ne pouvez pas ?deviner? ce que le joueur derri��re vous fera, vous pouvez l��anticiper : si vous checkez, il peut en faire autant ou miser. Et si vous misez, il peut se coucher, payer ou relancer. ?a ne fait jamais que deux ou trois sc��narios �� envisager.
En fait, ?a en fait m��me moins.
Si vous misez et que votre adversaire se couche, vous n��avez absolument pas �� r��fl��chir. Reste donc, dans tous les cas, seulement deux issues possibles.
Si vous checkez et votre adversaire en fait autant, la prochaine d��cision sera au tour d��ench��res suivant. Si vous misez et ��tes pay��, m��me punition.
Dans l��imm��diat, il ne reste donc qu��un sc��nario �� envisager : vous checkez et votre adversaire mise. Ou vous misez et il relance.
Quelle que soit votre action �� un moment donn��, la seule chose �� laquelle vous avez �� r��fl��chir est ce que vous ferez face �� une action agressive de votre adversaire. Ce qui, finalement, est exactement le genre d��information que vous cherchez �� obtenir en live quand vous observez le joueur derri��re vous plut?t que le genre avant vous : est-ce qu��il va vous donner du fil �� retordre ou, au contraire, pouvez-vous jouer comme s��il n����tait pas impliqu��
dans la main.
On r��fl��chit plus �� nos checks qu���� nos bets
En g��n��ral, quand vous checkez, c��est avec une id��e assez claire de ce que vous ferez. Votre d��cision peut d��pendre du montant mis�� par votre adversaire mais, en g��n��ral, vous savez �� l��avance si vous allez passer, payer ou surelancer.
��tonnamment, si 90% des d��cisions de check se font avec une id��e pr��cise de ce qu��on fera dans le cas o�� notre adversaire mise, on doit facilement pouvoir dire l��inverse des cas o�� on mise.
Le poker jou�� actuellement, et en particulier sur Internet, est devenu tellement agressif que miser est quasiment devenu l��action par d��faut. C��est notre tour, on a la position ou l��initiative de l��action (on a relanc�� pr��flop par exemple), et, naturellement, on mise. Eh ! C��est en misant qu��on va le plus souvent valoriser nos bonnes mains. Et c��est aussi en misant qu��on va gagner avec nos mauvaises mains. Miser est l��action de base.
Donc, on mise.
Et ensuite on s��interroge.
Vous vous posez trop de questions
Notre adversaire va-t-il se coucher ? Va-t-il payer ? Va-t-il relancer ? Combien ?
R��fl��chir �� la possibilit�� que notre adversaire se couche n��a aucun int��r��t. S��il se couche, on a gagn��, main suivante. Tant pis si on avait flopp�� le jeu max. Tant mieux si on avait Hauteur 4. Il se couche, on ramasse, notre cerveau peut d��j�� s��int��resser �� la main suivante. En fait, notre cerveau devrait m��me s��int��resser �� la main suivante d��s qu��on mise puisque, de toute fa?on, il n��y avait rien de plus �� faire et ou penser. La meilleure anticipation du fold de l��adversaire est d��avoir d��j�� oubli�� la main en cours��
S��il paie, ben voila, il a pay��. Et la r��flexion se reporte au tour d��ench��res suivant. A la carte suppl��mentaire retourn��e par le croupier (enfin, d��termin��e par le RNG -G��n��rateur de Nombres Al��atoires-, vous savez bien, cet ennemi invisible qui passe sa vie �� rire virtuellement de tous les badbeats qu��il vous inflige). On peut certes r��fl��chir �� ce qu��on fera au tour suivant, selon que telle ou telle carte vient compl��ter le tableau. A l��int��r��t de
valoriser deux ou trois fois, et plut?t �� valoriser au tournant ou �� la rivi��re. A l��opportunit�� de bluffer une seconde cartouche selon qu��une bonne carte �� bluffer vient. Ou �� laisser tomber quand une mauvaise compl��te.
Mais vous pourrez tout aussi bien r��fl��chir �� cela une fois que votre adversaire aura effectivement pay�� et que la carte suivante aura ��t�� r��v��l��e. Autrement dit une fois que cela sera devenue une r��alit�� ; quand vous disposerez de tous les ��l��ments d��information. Pour l��instant, ?a reste une hypoth��se lointaine et incertaine qui d��pend de la d��cision de notre adversaire et de la carte �� venir. M��me si notre adversaire d��cide effectivement de payer, il reste 47 sc��narios envisageables au turn. On peut/doit bien s?r les regrouper en termes
d��opportunit��s (si un troisi��me c?ur tombe, si un As ou Roi apporte une carte au-dessus du flop, si la rivi��re compl��te une possible quinte��). Mais, m��me ainsi, le nombre de sc��narios restera ��lev��. Si vous ��tes capable de passer en revue l��ensemble des cas possibles �� venir avant de d��cider de votre action actuelle, f��licitations (mais vous n��avez certainement pas besoin de lire mes chroniques !).
En fait, la seule r��flexion imm��diate, pour laquelle vous avez tous les ��l��ments, est ce que vous ferez si votre adversaire relance. Aucune carte suppl��mentaire ne viendra influencer votre r��flexion. C��est l��, sur le tour d��ench��res actuel, dans les 15-30s �� venir, qu��il faut se d��cider.
Or, si les joueurs savent en g��n��ral ce qu��ils feront quand ils check si leur adversaire montre les dents, ils ne savent pas, en g��n��ral, ce qu��ils feront quand ils misent et que le joueur derri��re eux vient planter ses crocs dans leur jugulaire.
Vous vous posez les mauvaises questions
Cette diff��rence de traitement entre devoir faire face �� une mise et devoir affronter une relance est absurde quand on consid��re les enjeux.
Dans le cas du check, vous ferez face �� une mise dont vous connaissez �� peu pr��s �� l��avance le montant. Qui sera toujours mod��r��. C��est d��ailleurs la raison pour laquelle vous verrez tr��s souvent des joueurs payer dans la seconde avec des tirages. Ils savent �� l��avance qu��ils vont payer la mise car ils ont un tirage. Il n��y a aucun doute dans leur cerveau sur la ligne �� suivre. Celle-ci est planifi��e avant le check�� et la vitesse avec laquelle on paie dans ce genre de situation reste �� ce jour un des ? tells ? les plus valables au poker, que ce soit live ou online.
Si vous misez et faites face �� une relance, c��est g��n��ralement avec votre tapis en ligne de mire. Il semble donc logique de prendre le temps d��y r��fl��chir, non ? Rien d��anormal �� ce qu��un joueur utilise son timebank dans ce genre de situation��
Cette logique oublie un d��tail qui n��a rien d��anecdotique : la surprise.
Si vous devez r��fl��chir �� ce que vous devez faire quand vous faites face �� une relance, c��est que vous n��avez pas anticip�� cette relance. Vous venez de vous faire surprendre. Or, qui dit surprise dit stress. Notre cerveau n��aime pas les surprises. Et ne r��agit pas de fa?on ?optimale? au stress.
Si vous avez besoin d��une image, pensez simplement que le pr��dateur n��est pas l��animal surpris. Il am��liore ses performances en cr��ant la surprise. Il vit sur la surprise des autres. La proie doit sa survie �� sa capacit�� �� r��agir �� la surprise, �� l��avoir anticip��e. Et les ventres dodus des pr��dateurs sont l�� pour t��moigner qu��une mauvaise gestion de la surprise ne fait pas que des malheureux��
Chaque fois que vous misez, vous agissez en pr��dateur (celui qui agit par rapport �� celui qui subit). Chaque fois que vous misez sans avoir anticip�� une relance adverse, le pr��dateur que vous pensez ��tre se retrouve en fait dans la situation de la proie qui a de bonnes chances de finir en gigot.
Pour ajouter �� l��absurde de la situation, c��est une situation dangereuse dans laquelle on se met uniquement avec des mains moyennes.
Si vous avez flopp�� un monstre, vous savez d��j�� ce que vous ferez en cas de relance. Vous n��avez peut-��tre pas d��cid�� de comment vous le ferez mais vous savez que vous irez au bout du monde avec votre main. La seule question en suspens est de savoir comment optimiser votre gain (r��flexion hypoth��tique puisque d��pendant d��une action relativement peu commune : votre adversaire doit relancer et ne pas ralentir quand sa relance trouvera du r��pondant).
Anticiper avec une main moyenne
Si votre main est un magnifique carnaval �� ��clipser la r��putation de Rio, vous savez aussi ce que vous ferez de votre main (�� l��exception d��un coup de folie/g��nie, ?a arrive �� tout le monde).
C��est finalement quand leur main est moyenne que les joueurs savent le moins ce qu��ils feront en cas de relance. Ils ont un bout de quelque chose et misent. Quasiment par automatisme. Et se retrouvent tout surpris quand ils se retrouvent face �� une relance.
Tous les ingr��dients du drame sont alors r��unis : pot qui gonfle, main moyenne, surprise. Vous venez alors de vous cuisiner un d��licieux m��lange qui, apr��s cuisson, se terminera tr��s/trop souvent par une perte massive de jetons (toujours ajouter une pinc��e d��ego avant d��enfourner) dans une situation totalement ��vitable. Et va souvent, en plus, se terminer avec un d��licieux dessert au tilt. Parce que rien n��est plus tiltant que de s����tre mis soi-m��me dans le caca. Et de s��y ��tre mis simplement �� cause d��une erreur de jugement absurde.
Rien n��est plus important au poker que d��anticiper.
Rien n��est plus facile non plus. De fait, on anticipe chaque fois qu��on check. On anticipe aussi assez facilement quand on paie, selon qu��on am��liore ou pas sur la carte �� venir (tirage), que vilain misera ou pas le tour suivant (floating). On a m��me une bonne id��e g��n��rale de la suite quand on relance un adversaire, que ce soit avec une main qu��on relance pour valeur ou en bluff/semi-bluff.
L�� o�� on a le plus de mal �� anticiper est quand on mise. Alors m��me qu��on a seulement une chose �� anticiper : une relance adverse.
Et c��est l�� que le parall��le live/online se rejoint : comme les joueurs de live observent le joueur qui est en train d��agir plut?t que les joueurs qui agiront apr��s eux, le joueur online pense en g��n��ral plus �� un fold ou un call qu���� une relance adverse.
M��me s��il n��y a rien �� quoi r��fl��chir quand notre adversaire se couche.
M��me s��il n��y a rien �� penser dans l��imm��diat quand notre adversaire paie.
La seule mati��re �� r��flexion quand on mise est ce qu��on fera si notre adversaire relance.
Avez-vous d��j�� vu ? Une autruche gagner au poker��
Non seulement c��est le seul sc��nario auquel vous devriez r��fl��chir parce que le seul exigeant une r��ponse imm��diate, mais aussi parce que c��est de loin le sc��nario le plus dangereux (sinon le seul). Chaque fois que vous vous retrouvez surpris par une relance, sans savoir exactement quoi faire, vous vous mettez en danger. Vous augmentez les chances de prendre une mauvaise d��cision sous l��effet de la surprise, du stress.
Miser sans r��fl��chir �� ce qu��on fera face �� une relance revient �� jouer la strat��gie de l��autruche. Et, non, vous ne le verrez jamais��
(et pas la peine de me faire remarquer �� quel point l��image est absurde, l��autruche ne s��enfon?ant pas la t��te dans le sable pour se prot��ger des pr��dateurs. Ni m��me n��ayant r��ellement de pr��dateur. J��en reste pour aujourd��hui �� l��image d��animal stupide se ?terrant? de peur)
Au lieu d����puiser votre timebank pour d��cider de la suite des ��v��nements une fois surpris, indiquant par l��-m��me clairement �� votre adversaire que vous ��tes dans une situation d��licate et augmentant les risques de prendre une d��cision dans le stress et l��urgence, prenez une ou deux secondes avant de miser pour imaginer le seul sc��nario qui vous int��resse dans l��instant : que ferez-vous si tel ou tel adversaire relance.
En y r��fl��chissant avant de miser, vous ��liminez le facteur surprise. Vous r��duisez le stress caus�� par la relance (quand elle se produit�� mais qui a l��air le plus con : celui qui anticipe une relance qui ne vient pas ou celui qui pr��f��re ne rien voir venir parce que, eh! c��est stressant de toujours penser au danger!). Et vous vous mettez dans une situation optimale pour y r��agir, avec d��j�� la r��ponse appropri��e (ou presque, il y a toujours moyen d��analyser apr��s coup la meilleure r��ponse selon le montant de la relance et/ou son timing mais l��analyse se fait alors sur des facteurs particuliers dans le cadre d��un plan pr��par��, sans stress).
On gagne au poker en prenant les meilleures d��cisions. Encore et encore. Et le meilleur moyen d��y arriver est de r��duire le stress de chaque prise de d��cision. D��analyser chaque situation le plus froidement possible : il est tr��s facile d��avoir une analyse correcte d��une main trouv��e sur le forum par exemple, alors que, dans le feu de l��action, c��est nettement plus difficile. Si vous voulez ��liminer le stress, ��liminez la surprise.
Le facteur de surprise le plus courant, et le plus impliquant (en jetons) ��tant une relance de l��adversaire sur votre mise, vous savez ce qu��il vous reste �� faire��